Flying Bach aux Folies Bergère

Quand Jean-Sébastien Bach s’incarne dans l’esprit des quadruples champions du monde de breakdance Flying Steps et du directeur d’opéra Christoph Hagel, cela donne naissance à un spectacle intemporel, balayant les codes artistiques convenus.

Culture urbaine et culture classique se rejoignent en pas de danse et multiplient les tempos sous l’étonnement du public médusé par la performance musicale et artistique.

Une chorégraphie moderne et classique qui n’est pas sans rappelé, à certains passages, West Side Story et qui donne le sourire aux lèvres par ses traits d’humour.

Un spectacle qui décoiffe où si quelques personnes sont sortis de la salle, bien d’autres se sont levés à la fin du spectacle pour l’acclamer.

C’était hier aux Folies Bergère, à une date unique.

La compagnie allemande, fondée en 1993 par Vartan Bassil et Kadir « Amigo » Memis, qui a déjà tourné dans plus de 35 pays à travers le monde, ne s’arrête jamais et est déjà repartie pour de nouvelles aventures.

Nous attendons déjà leur retour pour un nouveau spectacle en France.

Carole Rampal

Folies Bergère
https://www.foliesbergere.com/fr
32 rue Richer, 75009 Paris
Téléphone : 01 44 79 98 60


Pietragalla, la femme qui danse, au Théâtre de la Madeleine

De noir vêtue, sous un faisceau de lumière en  V qui l’étend vers l’éther, elle annonce dès les premiers instants : « Je suis un animal mimant, je suis un animal dansant, un être incarné et désincarné qui évolue au gré d’un rythme intérieur, d’un souffle musical, d’une conscience éclairée. »

Durant une heure et quart, Marie-Claude Pietragalla occupe seule en scène les planches du Théâtre de la Madeleine.

Elle se confie au public tandis que son corps se meut dans un état d’apesanteur. Plus qu’une passion découverte, à l’âge de 8 ans, lors d’un spectacle de Maurice Béjart qu’elle est allée voir, plus qu’une complicité musicale avec son père, enfant où elle découvre Bach, puis Mozart, la danse est pour la chorégraphe, metteuse en scène et comédienne, « une urgence à être et à vivre ». Elle se remémore ses débuts à l’Opéra de Paris où elle gravit tous les échelons jusqu’à sa nomination en 1990 de danseuse étoile, ses souvenirs avec Patrick Dupond, le travail qui l’a poussée à « s’extirper de la condition terrestre », hors de ses limites avec Rudolf Noureev.

Sans compter Mats-Ek, Jerome Robbins, William Forsythe, Roland Petit, John Neumeier, Martha Graham, Carolyn Carlson, Jiri Kylian…

Elle parvient à décrire l’indicible du mouvement, quand exprimé par les mots, la conscience lui donne alors sens quand âme et corps se confondent.

Inspirée, elle sonde l’univers et nous emmène progressivement dans son propre univers, transportée par les musiques les plus hétéroclites, glissant d’une jambe sur l’autre, du XIXe siècle –Tchaïkovsky, Jules Massenet, Adolphe Adam, Georges Bizet – , à nos jours – Max Richter, Ólafur Arnalds, Hildur Guðnadóttir, Birdy Nam Nam.

« Je suis la femme qui danse », clôt-elle le spectacle… devant un parterre de spectateurs debout, qui vient de se lever pour l’applaudir.

Carole Rampal

Théâtre de la Madeleine
Jusqu’au 4 décembre 2022
19 rue de Surène, 75008 Paris

L’écriture chorégraphique est bien sûr de Marie-Claude PIETRAGALLA. La mise en scène est signée Julien DERAOUAULT, danseur soliste du Ballet national de Marseille, avec qui elle a fondé le Théâtre du Corps, une compagnie artistique qui offre des spectacles singuliers où l’acteur danse et le danseur joue.
Lumière : Alexis DAVID.
Création musicale Wilfried WENDLING, La Muse en Circuit Louis HUGUENIN.

Danse “Delhi” d’Ivan Viripaev au Théâtre Gérard Philippe

Danse « Delhi « est le titre d’une création chorégraphique de l’un des personnages principaux de la pièce, la danseuse Katia. Lors d’un voyage en Inde, elle a été frappée par la misère et le douleur des habitants au point de vouloir les sublimer dans un acte artistique. Danse « Delhi » est ce qu’on ne voit pas mais ce dont tout le monde parle, en bien ou en mal.

Dans la salle d’attente d’un hôpital, chacun des six protagonistes est confronté à l’annonce de la mort d’un proche, la mère, la femme, le mari ou l’amie. Sept pièces, soit sept variations sur le même thème. Acceptation, indifférence, hystérie, colère, culpabilité, chacun vit et revit différemment cette annonce répétée. La difficulté d’appréhender la mort les rend imperméables à la douleur de l’autre. Tous ont été fascinés par cette Danse « Delhi », qui fait de la beauté avec de la boue, mais aucun ne peut affronter la douleur, la sienne ou celle des autres.

Mais est-ce là le sujet ?  L’incapacité de s’émouvoir, une ambivalence des sentiments qui les accule à une forme de lâcheté ?

L’auteur semble vouloir régler ses comptes avec le politiquement correct, la bonne conscience des artistes qui créent en se servant de la souffrance des autres.  Comme en témoigne la femme âgée, critique littéraire qui raconte avoir assisté à un spectacle qui se déroulait dans un abattoir, pour protester contre la guerre en Irak.

Mais est-ce bien là le sujet ? La légitimité de faire un spectacle avec la douleur des autres ?

Deux cubes en verre dépoli derrière lesquels joue la musicienne (Viviane Hélary) mettent en perspective un ailleurs, un monde extérieur flou et illusoire. Entre chaque pièce, la musique, style Philip Glass, évoque la répétition immuable des gestes et des destins qui se jouent au premier plan, dans l’espace plus réaliste de la salle d’attente.

Dans cette partition conceptuelle quasi musicale, le jeu des solistes est inégal. Si la mère (Christine Brücher) et l’amie (Laurence Roy) apportent de la profondeur, Katia (Manon Clavel), Andréi, le mari (Jules Garreau) et Olga (Marie Kaufmann)  sont moins convaincants parce que plus anecdotiques. Seule face à ces personnages désaccordés, l’infirmière (Kyra Krasniansky)  est un parfait contrepoint administratif,  la note de bon sens qui déclenche les rires du public. Dans cette surabondance de mots, la mise en scène gagnerait à plus de ruptures et de silences et à une distanciation des personnages qui accentuerait l’aspect tragi-comique de la pièce et l’ironie de l’auteur.

Au final, le sujet se dérobe, sans réelle conclusion, sauf à penser qu’Iripaev fait son auto-critique…

Florence Violet

Danse « Delhi » de Ivan Viripaev au Théâtre Gérard Philippe
59 Boulevard Jules Guesde, 93200, 93210 Saint-Denis
01 48 13 70 00

Compagnie Det Kaizen

Mise en scène Gaëlle Hermant
Du 16 au 22 octobre 2021
Du lundi au vendredi à 20 heures, samedi à 18 heures, dimanche à 18 h 30.
Relâche le mardi.

Soy de Cuba « Viva la vida »

On ressort du spectacle en se promettant de prendre des cours de salsa dès que possible !

Personnellement, la musique cubaine me donne des fourmis dans les jambes, et je rêve de l’atmosphère fiévreuse de La Havane et de ses couleurs vintage…  J’ai donc été découvrir le nouveau show latino de cette troupe cubaine, composée de huit musiciens et chanteurs jouant en live, et de 14 danseurs époustouflants. Ils enchaînent salsa, mambo, cha-cha-cha, batucada et multiplient les figures acrobatiques sur un rythme effréné ! Si l’histoire est réduite à la portion congrue, elle permet de faire évoluer les danseurs dans les décors mythiques de l’ile, manufacture de tabac, salle de boxe surannée, quartier colonial aux façades colorées… On est séduit par l’énergie débordante de cette troupe hors pair, sensuelle, enjouée, qui nous communique sa joie de vivre. Muy caliente !

Le public d’aficionados ne s’y trompe pas  et en redemande ! L’orchestre, excellent, alterne quelques thèmes plus mélancoliques, contrepoints bienvenus qui mettent en valeur la chanteuse ou les solos des musiciens.

Mais attention, prenez vos places rapidement, le spectacle se termine le 30 juin !

Florence Violet

Casino de Paris,
16 rue de Clichy, 75009 Paris

Jeudi 24/06/2021 – 20h
Vendredi 25/06/2021 – 20h30
Samedi 26/06/2021 – 16h et 20h30
Dimanche 27/06/2021 – 14h et 17h30
Lundi 28/06/2021 – 20h
Mardi 29/06/2021 – 20h
Mercredi 30/06/2021 20h

“sspeciess” de Daniel Linehan (Hiatus), au Théâtre de la Cité internationale

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Le vent souffle fort sur la scène du Théâtre de la Cité internationale, ce jeudi 6 février. Cinq danseurs semblent sortir de la torpeur d’une nuit urbaine. Sous des néons à la lumière trop crue, ils se réveillent avec lenteur. Quand “l’une” d’entre eux, allongée près de son compagnon, lui révèle qu’elle a une vision : un oiseau entre deux nuages, puis surgit un écureuil, un chien, une lueur…

Les bruits stridents de la cité déchirent l’aube. Il est l’heure de se lever.
Cinq corps s’animent dans un mouvement de balancement comme soumis à l’apesanteur. Pendant une heure trente, dans une synergie commune, ils chancèleront, dodelineront, cahoteront, balleront bras, jambes, oscilleront comme des astres inéluctablement reliés entre eux et à la nature.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’homme inexorablement relié à son univers lui appartient, et se fond en lui comme les détritus qu’il génère et tapissent l’espace. À l’instar de la mer qui s’agite, s’approche et fuit dans un jeu de va-et-vient, Gorka Gurrutxaga Arruti, Anneleen Keppens, Victor Pérez Armero, Louise Tanoto et David Linehan se retouveront mêlés au creux de la vague dans un éternel recommencement.

L’obscurité prendra place : le spectacle est terminé.

C’est inspiré des écrits du philosophe et écologiste britannique Timothy Morton que le danseur et chorégraphe américain, Daniel Linehan (lui-même sur scène), a choisi d’en proposer une lecture par la “non-danse” et présente pendant deux jours “sspeciess” au Théâtre de la Cité internationale.

Il prolongera sa tournée, le 4 février 2020 : Théâtre de Liège, Festival Pays de Danses ; les 12 et 13 mars 2020 : La Filature, Mulhouse ; les 12 et 13 juin 2020 : Kaaitheater, Bruxelles.

Un chorégraphe à continuer de suivre..

 

Carole Rampal

Des mots pour vous dire

Théâtre de la Cité internationale
www.theatredelacite.com
17, boulevard Jourdan, 75014 Paris
Avec le festival Faits d’hiver

Concept & chorégraphie :
Daniel Linehan (Hiatus)
Dramaturgie : Alain Franco
Assistant artistique :
Michael Helland
Scénographie : 88888
Costumes : Frédérick Denis
Lumière : Gregory Rivoux
Son : Michael Schmid &
Raphaël Henard

Création & interprétation :
Gorka Gurrutxaga Arruti,
Anneleen Keppens, Daniel Linehan, Victor Pérez Armero, Louise Tanoto

 

“aSH”, à la Scala Paris

Florence2© Aglaé Bory

Au pied d’un haut mur, la danseuse Shantala Shivalingappa évolue selon une gestuelle codifiée, lente et géométrique. Au son des percussions, ses longs bras se cassent, ses jambes s’arc-boutent, ses mains se raidissent, un corps fait d’angles droits, capté comme un insecte dans la lumière. Puis le mur de papier s’anime lui-même, se froisse, se gonfle comme frappé par derrière de coups violents, envahit le plateau, se fait vague, tsunami, grotte, voile pour recouvrir, emprisonner, masquer la danseuse, comme habité de l’intérieur par une respiration cosmique, le dieu Shiva, maître de la danse. Une scénographie puissante, mystérieuse, un rideau qu’on imagine agité de mains invisibles, une matière visuelle et sonore vivante…

Aucune autre narration que celle des mouvements, de leur réitération, qui s’impriment physiquement sur le sol, quand elle tamise la cendre blanche sur le gigantesque kolam, quand son pied y dessine des cercles parfaits, guidé par la rotation de ses jambes compas… Une spirale envoûtante, de la grâce, mais aussi beaucoup de force dans cette présence calme malgré les vibrations, la fureur des sons et de la matière. L’esprit de la danse se manifeste, agit, meurt et renaît…

En 2009, j’avais assisté à un spectacle impressionnant, mis en scène également par Aurélien Bory, inspiré par une danseuse de flamenco, dont je comprends aujourd’hui le titre Qu’est-ce quetudeviens? C’est ce même « précipité » de danse et de feu qui envahit Shantala Shivalingappa dans Ash. Danseuse de kuchipudi, son parcours oscille entre Madras et l’Europe, entre la tradition et la modernité puisqu’elle a travaillé avec Maurice Béjart, Peter Brook et Pina Baush (entre autres)

Dernier opus de la trilogie des portraits de femme signés par Aurélien Bory, il se joue jusqu’au 1er mars, suivi de Plexus, écrit pour une danseuse japonaise (2012), du 5 au 17 mars, et de la reprise de Questcequetudeviens? (2008), du 19 au 31 mai 2019, tous trois à la Scala.

Florence Violet

Conception, scénographie
et mise en scène : Aurélien Bory
Chorégraphie Shantala Shivalingappa
avec Loïc Schild (percussions)

Du 16 février au 1er mars
La Scala Paris
13, boulevard de Strasbourg
Paris, 10e
Email : contact@lascala-paris.com
Téléphone : +33(0)1 40 03 44 30

 

“Blanche Neige”, à la Grande Halle de la Villette

Blanche Neige-Jean-Claude Carbonne CMJN

©Jean-Claude Carbonne

Ce ballet, créé en 2009 et magistralement interprété par les 24 danseurs de la compagnie Angelin Preljocaj, se veut une « parenthèse féérique et enchantée » dans l’œuvre du chorégraphe d’origine albanaise. Durant 1 h 50, nous sommes happés par la magie des décors de Thierry Leproust, le lyrisme de la musique de Malher et la beauté de la chorégraphie.

Au-delà du célèbre mythe des frères Grimm, Preljocaj nous offre une version de Blanche Neige très charnelle, ancrée dans la réalité : parcours initiatique d’une jeune fille qui devient femme pour Blanche Neige, poursuite de l’éternelle jeunesse et lutte pour la conserver pour sa marâtre.

Certaines scènes frappent particulièrement par leur créativité, comme celle où les sept nains (des mineurs de fond !) semblent jaillir d’une falaise abrupte où ils effectuent un surprenant ballet en suspension ; ou encore, celle où la marâtre poursuit Blanche Neige pour lui enfoncer la pomme dans la gorge, avec un sadisme non dénué de volupté. De même, la scène où le prince désespéré danse avec Blanche Neige, présumée morte, captive.

Les costumes de Jean Paul Gaultier apportent leur touche incongrue à l’univers de Preljocaj et contribuent à sublimer le corps des danseurs. Ah ! la tunique de Blanche Neige hardiment fendue sur les hanches… et le pantalon orange à bretelles du prince (clin d’œil au style Gaultier des années quatre-vingt dix !), sans oublier la tenue de la marâtre, très réussie, à mi-chemin entre celle de Madonna et d’une dominatrice sexy.

Mirea Delogu, dans le rôle de Blanche Neige, fait preuve d’une belle expressivité dans la danse. Face à elle, Cecilia Torres Morillo, d’une sensualité redoutable, campe une marâtre aussi fascinante que maléfique, prête à tout pour conserver sa jeunesse et sa beauté. Les scènes où elle apparaît, escortée par ses deux chats (telle Catwoman) ou face à son miroir, sont d’une grande force dramatique.

En résumé, un spectacle plein de créativité et de sensualité, porté par une chorégraphie enlevée, qui permet de parler aux petits comme aux grands, et qui nous prouve, si besoin était, que Blanche Neige est un conte très actuel.

Véronique Tran Vinh

Chorégraphie Angelin Preljocaj
Costumes Jean Paul Gaultier
Musique Gustave Mahler – Musique additionnelle 79 D
Décors Thierry Leproust
Lumières Patrick Riou
Avec Mirea Delogu (Blanche Neige), Redi Shtylla (le prince), Cecilia Torres Morillo / Anna Tatarova (la reine), Sergi Amoros Aparicio (le roi), Margaux Coucharrière, Manuela Spera (les chats).
Création 2008 – Chorégraphie primée aux Globes de cristal 2009.

Du 5 au 8 juillet 2018
Grande Halle de la Villette
https://lavillette.com/evenement/angelin-preljocaj-blanche-neige/#utm_source=blog&utm_medium=DMPVD


“La Fiesta”, à la Villette

 

 

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©Jean-Louis Duzert

« Je crois que la fête est à la fois l’expression et la nécessité de ma culture. » Dans sa dernière création, qui a fait sensation au dernier festival d’Avigon, Israel Galván évoque ce moment précis et codifié du spectacle flamenco au cours duquel les artistes sonnent le final en changeant de rôle (fin de fiesta).

La Fiesta, c’est d’abord et avant tout une histoire d’amitié et une histoire de troupe. Des femmes et des hommes qui partagent la même passion pour la culture flamenca et la musique au sens large. La participation d’une chanteuse venue d’ailleurs qui « s’exprime » dans plusieurs langues, d’une étrange violoniste et d’un ensemble byzantin (à la musique magnifique) en témoigne. Tout cela forme un ensemble furieusement iconoclaste.

Dans ce spectacle, il est question de sons plutôt que de musique à proprement parler, des sons produits avec la voix, mais aussi avec la bouche, les mains, et même les pieds. Il est question aussi du chaos, du sacré, et comme le sous-entend le titre, du sens de la fête présent partout en Espagne. Et évidemment, une fête ne se fait jamais seul…

Ici, pas de scénographie réglée au millimétre, mais plutôt un bouillonnement de vie, des tables qu’on renverse pour danser dessus, des coquillages qu’on s’amuse à jeter en l’air ou à piétiner allègrement, des défis que l’on se lance à travers la maîtrise des voix et des corps.

Même si l’on est parfois un peu déconcerté, on se laisse happer par le rythme de la danse, le rythme de la vie. Parfois, cela ressemble à une longue transe comme dans le ballet final – véritable morceau de bravoure – où le maître sévillan évolue au milieu de sons qui évoquent la semana santa (cris, pleurs, prières…).

C’est ce bordel, cette effervescence, cette fratrie liée par une culture artistique très forte qui donnent envie d’entrer dans la fête à notre tour… n’en déplaise aux esprits chagrins. Que viva la fiesta !

Véronique Tran Vinh

Jusqu’au 11 juin 2018
Grande halle de la Villette, dans le cadre de la programmation hors les murs du Théâtre de la Ville
Tous les jours à 20 h 30, sauf dimanche à 16 h
https://lavillette.com/evenement/israel-galvan-la-fiesta/#utm_source=blog&utm_medium=DMPVD
Toute la programmation de la Villette ici :
https://lavillette.com/agenda/

Conception, direction artistique, chorégraphie Israel Galván
Direction musicale Israel Galván et Niño de Elche
Avec Eloísa Cantón, Emilio Caracafé, Israel Galván, El Junco, Ramón Martínez, Niño de Elche, Alejandro Rojas-Marcos, Alia Sellami, Uchi et le Byzantine Ensemble Polytropon
Dramaturgie Pedro G. Romero

#Hashtag 2.0, à Bobino

 

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Quand Pokemon Crew, collectif lyonnais de jeunes danseurs de breakdance – rien de moins que champion de France, d’Europe et du monde dans le circuit des battles, et invité en résidence à l’Opéra de Lyon – s’empare de la scène de Bobino, il met le feu avec ses figures de haut vol alternant avec des chorégraphies contemporaines très maîtrisées.

Avec ce neuvième spectacle, le chorégraphe Riyad Fghani entend dénoncer avec humour la toute-puissance du numérique et des réseaux sociaux. Regards rivés sur leur écran, obnubilés par les tweets et les selfies, ses personnages en oublient de regarder le monde qui les entoure.

Exit le rap, trop convenu, le choix musical est éclectique, passant allégrement de la musique contemporaine au jazz et au flamenco. À noter, un ballet flamenco détonnant, où les corps semblent irrésistiblement attirés vers le sol, contrairement au flamenco traditionnel.

Les chorégraphies de groupe sont particulièrement réussies, jouant sur les complémentarités techniques et physiques des danseurs. Ceux-ci – dans l’ensemble de corpulence plutôt fluette – réalisent d’étonnantes prouesses. La coupole, la vrille, le spin… à chacun sa figure et à chacun son style. Les danseurs enchaînent les acrobaties avec une fluidité et une énergie déconcertantes. Corps désarticulés, twerk (mouvement de hanches accentué de manière provocante), la gestuelle est exagérément expressive et empreinte d’humour.

Au-delà de l’exploit physique, la bonne humeur et l’énergie de la troupe sont contagieuses. En témoignent les interactions sur scène de Riyad Fghani avec ses danseurs ou les performances finales individuelles, où chaque artiste se donne à fond, provoquant les applaudissements enthousiastes du public.

Ce soir-là, beaucoup d’ados et de plus jeunes étaient venus accompagnés de leurs parents, ce qui prouve que le langage de la danse peut, parfois, être fédérateur… on like sans modération !

Véronique Tran Vinh

Pièce chorégraphique pour 9 danseurs (Pokemon Crew)
Direction artistique Riyad Fghani
Création lumière Arnaud Carlet
Création musicale Flavien Taulelle / DJ Duke
Création vidéo Angélique Paultes
Création costumes Nadine Chabannier

Jusqu’au 31 mars 2018
Du mercredi au dimanche à 19 h
Bobino
14-20, rue de la Gaîté
75014 Paris
Tél. : 01 43 27 24 24
http://bobino.fr/?fiche=1097

 

“Claudel”, à l’Athénée théâtre Louis-Jouvet

 

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Crédit photo : Christine Coquilleau

En cette journée du 8 mars (journée des droits de la femme), quel thème aurait été plus approprié que celui de la liberté de la femme artiste ? Hasard du calendrier, c’est le jour où j’ai découvert le superbe spectacle de l’Australienne Wendy Beckett sur la vie et l’œuvre de Camille Claudel.

Claudel, l’ambitieuse, la passionnée, la créatrice, remarquée par Rodin pour son talent hors norme. Mais aussi Claudel la rebelle, l’indomptable, la tourmentée, celle par qui le scandale arrive… Une figure de femme libre, si inacceptable dans le contexte de la France conservatrice de la fin du XIXe siècle que sa propre famille la fera interner pour « protéger sa réputation ». La force du récit et de la mise en scène de Wendy Beckett est de montrer la fusion entre la vie et l’œuvre de cette artiste si douée.

Corps et mouvement
Le corps, la chair, son expressivité, sa sensualité… Cette fascination pour le corps et tout ce qui le meut (muscles, tendons, etc.) – trait commun au travail de Claudel et de Rodin – est le ressort principal du spectacle. La metteuse en scène a eu l’idée géniale de collaborer avec Meryl Tankard, chorégraphe reconnue au niveau international et danseuse principale du Pina Bausch Wuppertal Dance Theatre.

Grâce à elle, les événements clés de la vie de Camille, comme ses créations, prennent forme sous nos yeux par l’intermédiaire des danseurs (deux femmes et un homme), qui, tout au long du spectacle, se transforment en fascinantes sculptures vivantes. L’Abandon, L’Âge mûr, La Valse… autant de compositions emblématiques de l’artiste, où s’exprime sa maîtrise des attitudes humaines et où émergent ses questionnements sur l’amour, la mort et la destinée.

Beauté et émotion
Les personnages évoluent dans un décor sobre mais magnifique, constitué de lourdes tentures, qui évoque l’atelier. Les tonalités neutres comme le gris et le crème prédominent, renvoyant à la matière si chère aux sculpteurs, argile, plâtre et marbre. Le jeu subtil des lumières, la beauté des costumes, l’expressivité contrôlée des danseurs, l’ensemble contribue à créer une atmosphère intimiste et envoûtante.

Célia Caralifo campe une Camille Claudel captivante, tout en intensité et en sensualité. Elle se montre tour à tour déterminée et fragile, rebelle et tendre, volontaire et désespérée. Face à elle, Swan Demarsan est un Rodin charismatique. Les autres acteurs sont tout aussi convaincants, que ce soit Clovis Fouin dans le rôle ambigu de Paul Claudel – pris en tenaille entre sa sœur et sa famille –, ou Christine Gagnepain dans celui de la mère prête à sacrifier sa fille aux conventions sociales.

Vous l’aurez compris, c’est un très bel hommage à celle dont le talent et la liberté furent si injustement muselés par la société et sa propre famille.

On sort de la salle avec l’envie folle de courir admirer ses œuvres dans le musée qui porte son nom, ouvert il y a un an… plus de soixante-dix ans après sa mort. Il était temps.

Véronique Tran Vinh

Du 7 au 24 mars 2018
Athénée Théâtre Louis-Jouvet
7, rue Boudreau
75009 Paris
http://athenee-theatre.com

Écrit et mis en scène par Wendy Beckett
Assistée d’Audrey Jean
Chorégraphies de Meryl Tankard
Assistée de Mariko AOYAMA
Scénographie de Halcyon Pratt
Projections de Régis Lansac
Costumes de Sylvie Skinazi
Lumières de François Leneveu

Les comédiens
Célia Catalifo, Marie-France Alvarez, Marie Brugière, Swan Demarsan, Clovis Fouin, Christine Gagnepain
Les danseurs
Sébastien Dumont, Audrey Evalaum, Mathilde Rance 

 

 

“La Flûte enchantée”, le Béjart Ballet Lausanne, au Palais des Congrès

la flûte enchantée de MozartDès la première mesure, mes yeux s’écarquillent. Sur le sol, de tout son long, gît, au milieu de l’Étoile du matin dessinée sur la scène, le prince Tamino, inerte après avoir subi l’attaque d’un serpent.

Bien décidée à suivre le cours de l’histoire et de m’y accrocher pour comprendre la suite (ce n’est pas toujours évident dans un opéra), particulièrement attentive, je reste pantoise à la vue de ce pentagramme que je reconnais – une figure géométrique ésotérique.
Est-ce une simple coïncidence que la perception de mes sens m’a donné pour illusion du fond de la salle ?
Tout au long de ces trois heures de représentation, les symboles jalonnent donnant corps au spectacle : pantalon rouge pour le prince Tamino, justaucorps blanc pour la princesse Pamina, plumes bleues pour Papageno l’oiseleur, chasuble noire pour Reine de la nuit… Et bien d’autres curiosités encore (porte, corde…). Aussi des lumières chaudes soigneusement choisies qui nous éclairent pour mieux décrypter un univers, qui au-delà d’une légèreté poétique, semble renfermer bien des messages. Car oui, il y en a un. L’Équerre et le Compas, illustré par un portée en danse, à la dernière scène de l’épilogue, me convainc de penser que je viens d’assister à un ballet non ordinaire. Après recherche, j’apprendrai que Mozart appartenait à une loge franc-maçonnique et avait dédié cette œuvre à l’apologie de cet ordre initiatique.

Une prouesse incroyable pour Le Béjart Ballet Lausanne dirigé par Gil Roman, qui dans un décor sobre et épuré, avec une chorégraphie hors pair, réussit à nous titiller et nous interroger au-delà d’un simple spectacle, peut-être grâce à la « flûte enchantée ».

Un indescriptible opéra à aller voir par soi-même, de ses yeux vu.

Carole Rampal

Chorégraphie : Maurice Béjart
Musique : Wolfgang Amadeus Mozart
Décors et costumes: d’après les plans originaux d’Alan Burrett
Création Costumes : Henri Davila
Création lumière : Dominique Roman

Du mercredi 7 au dimanche 11 février 2018
Palais des Congrès

Réservations sur le site du Palais des Congrès : https://lc.cx/MKRP
2 place de la Porte Maillort, 75017 Paris