Le Dernier Jour d’une condamnée, à La Folie Théâtre

« Une pièce de théâtre, c’est quelqu’un. C’est une voix qui parle, c’est un esprit qui éclaire, c’est une conscience qui avertit. » Victor Hugo

Cette voix, c’est celle de la condamnée, celle de Betty Pelissou qui a choisi de porter seule le texte de Victor Hugo, Le Dernier Jour d’un condamné. Avec elle, nous entrons dans le cachot pour y « vivre » les six semaines qui la séparent de la guillotine.

D’elle, nous ne connaissons rien, pas même le crime pour lequel elle a été jugée. De sa cellule, nous ne voyons que les murs sales et une chaise. Un décor simple qui laisse toute la place à la densité du texte et à son interprète, accompagnés par moments de quelques notes de musique.

Betty Pelissou entre dans la Condamnée comme dans une seconde peau. Dès les premiers mots, sa voix nous émeut, brisée par l’horrible idée, la sanglante idée de sa mort sur l’échafaud. Son interprétation est si aboutie qu’elle nous fait sentir la chaleur d’un rayon de soleil quand elle lève la main pour le caresser : « Par l’étroite et haute fenêtre de ma cellule, je vis le reflet jaune où des yeux habitués aux ténèbres d’une prison savent si bien reconnaître le soleil. J’aime le soleil. »

Nous vibrons au diapason de ses rêves, de ses angoisses, de ses émotions tout au long du calvaire qu’elle doit endurer entre ces quatre murs, et c’est bien là la force et l’intensité du jeu de Betty Pelissou.

Sur le papier noirci à longueur de jours et parfois de nuits, Hugo interpelle les consciences, lui qui, enfant, a assisté à une exécution en place de grève. « Que ce que j’écris ici puisse être un jour utile à d’autres, que cela arrête le juge prêt à juger, que cela sauve des malheureux, innocents ou coupables, de l’agonie à laquelle je suis condamnée. »

Dans la petite salle de ce nouveau lieu, en plein XVarrondissement, on retient son souffle au rythme des pas qui mènent la condamnée à la guillotine et on pense qu’il a fallu attendre cent cinquante ans après le texte de Victor Hugo pour qu’enfin la peine de mort soit abolie !

Plûme

La Compagnie Poqueline
Mise en scène et interprétation : Betty Pelissou
Musique : Thomas Déborde
Création lumière : Raphaël Pelissou

Du 5 janvier au 30 avril 2023
Les jeudis et dimanche à 19h
A La Folie Théâtre
6, rue de la Folie-Méricourt –
75011 Paris
Réservations : A La Folie Théâtre et sites de réservations en ligne

Flying Bach aux Folies Bergère

Quand Jean-Sébastien Bach s’incarne dans l’esprit des quadruples champions du monde de breakdance Flying Steps et du directeur d’opéra Christoph Hagel, cela donne naissance à un spectacle intemporel, balayant les codes artistiques convenus.

Culture urbaine et culture classique se rejoignent en pas de danse et multiplient les tempos sous l’étonnement du public médusé par la performance musicale et artistique.

Une chorégraphie moderne et classique qui n’est pas sans rappelé, à certains passages, West Side Story et qui donne le sourire aux lèvres par ses traits d’humour.

Un spectacle qui décoiffe où si quelques personnes sont sortis de la salle, bien d’autres se sont levés à la fin du spectacle pour l’acclamer.

C’était hier aux Folies Bergère, à une date unique.

La compagnie allemande, fondée en 1993 par Vartan Bassil et Kadir « Amigo » Memis, qui a déjà tourné dans plus de 35 pays à travers le monde, ne s’arrête jamais et est déjà repartie pour de nouvelles aventures.

Nous attendons déjà leur retour pour un nouveau spectacle en France.

Carole Rampal

Folies Bergère
https://www.foliesbergere.com/fr
32 rue Richer, 75009 Paris
Téléphone : 01 44 79 98 60


Toxique, à la Folie Théâtre

Maintenue dans un imper beige resserré à la taille, elle balaie d’un regard franc les rangées de sièges quand je l’aperçois après m’être assise. « Tiens, elle pourrait être Sagan », je constate, amusée.

J’attends toujours l’arrivée de la comédienne et le début de la représentation.

La salle est plongée dans le noir. La femme au pardessus réapparaît sous le halo d’une lumière jaune. Toujours debout, au même endroit, elle fait face aux spectateurs.

Mais oui, c’est bien elle, Sagan !

Belle entrée.

Derrière elle, un lit à barreaux en fer forgé dont la peinture qui s’écaille jure avec les draps blancs dont il est revêtu, et rappelle ceux des hôpitaux des années 60. Le téléphone imposant et noir à cadran à côté de la table de chevet aussi.

J’observe la comédienne évoluer entre la fenêtre, la porte de sa chambre, et le lit sur lequel elle se jette à certains moments de tout son corps allongé, ventre ou dos face au matelas : ses gestes chaloupés, sa frange révoltée même si brune et non blonde, sa désinvolture affichée mêlée d’une angoisse cachée me laissent bien voir l’auteure de Bonjour Tristesse.

Elle explique à la salle la raison de sa présence ici à la clinique.

Le 13 avril 1957, elle roule, selon son habitude, à vive allure au bord de sa voiture de sport, une Aston Martin, en compagnie de Bernard Frank, Voldemar Lestienne et Véronique Campion, en direction de Milly-la-Forêt. Un virage mal abordé et quelques embardés conduiront la voiture quelques centaines de mètres plus loin sur le bas-côté avant de finir en tonneaux.

Ses amis, éjectés du véhicule quelques secondes avant, en sortiront avec quelques blessures tandis que Françoise, qui a perdu connaissance, est coincée sous la tôle froissée par l’accident, certains la croyant déjà morte. Elle en sortira vivante mais la joie de sa course effrénée sera au prix de multiples fractures. Seul le palfium, un dérivé de la morphine, la soulage. Son addiction envers le produit la conduit pour une cure de désintoxication en clinique où elle séjourne maintenant.

En se parlant à elle-même, elle consigne jour après jour, ses états d’âme, dans un journal qu’elle rédige et que je découvre,Toxique.

Je revis mes 20 ans quand elle fait lecture d’écrivains que nous aimons en commun : Guillaume Apollinaire, Balzac, Rimbaud, Prévert, les autres et Sartre.

Les romans, une bouée de sauvetage à laquelle elle s’accroche désespérément pour échapper à la dépendance de la drogue. Des auteurs qui l’inspirent et la poussent à écrire encore et encore.

Le dernier jour de la cure arrive. Habillée dans sa fameuse marinière et son blue-jean trop court que tout le monde lui connaît, elle s’apprête à retrouver sa liberté tant aimée.

Le noir retombe.

Le halo jaune inonde la pièce.

Christine Culerier sort de Sagan sous les applaudissements du public.

Carole Rampal

Mise en scène : Cécile Camp
Avec : Christine Culerier
Création lumières : Dominique Fortin
Scénographie : Eric Den Hartog
Musique : Victor Paimblanc
Adaptation : Michelle Ruivo

A la Folie Théâtre
Jusqu’au jeudi 29 décembre 2022
Les jeudis à 21h
6, rue de la Folie Méricourt – 75011 Paris
Renseignements et / ou réservations : Tél.: 01 43 55 14 80

http://www.folietheatre.com/

Toutes les femmes sauf une, au Théâtre La Flèche

Donner vie à une petite fille Adèle quand soi-même Marie s’est accouchée d’elle-même par les mots, les livres. Compliqué…

Alors par où commencer quand les murs froids de la maternité glacent le sang de la femme qui accouche, et n’ont pas d’oreille. Par où commencer quand sa propre mère n’a pas su s’aimer, ni aimer sa propre fille devenue depuis quelques heures mère à son tour. Par où commencer quand sa propre grand-mère n’a pas su aimer sa propre mère.

Une trajectoire difficile que Marie va vouloir détourner pour offrir à Adèle une issue pour échapper à un destin qui n’est pas prédéfini quand les mots sont capables de révolutionner la vie, de la métamorphoser et lui donner âme.

A peine née, Marie penchée sur le berceau d’Adèle va lui raconter son enfance, son adolescence, ses déboires. À travers ses récits, elle lui démontrera par là même sa force de vie, sa capacité à s’émouvoir, à s’aimer à travers ses peurs, ses doutes, ses colères, et à l’aimer, elle, sa fille, Adèle. Peu importe que d’autres doutent d’elle, voire la jugent parce qu’en premier devoir, elle n’aurait pas donné le sein.

L’instinct de vie, du dépassement de soi-même transcendent quand on sait s’écouter et ouvrir son coeur.

C’est avec beaucoup de sensibilité et de vulnérabilité que Florence Le Corre entre dans la peau de Marie. Seule en scène pendant plus d’une heure, elle porte haut le roman de Toutes les femmes sauf une qui a reçu le Prix de la révélation de la SGDL et également le Prix du journal Le Monde.

Une adaptation réussie.

La scénographie très épurée va droit à l’essentiel : seuls des néons de couleur lumineux occupent l’espace et donnent formes et mouvements aux objets et sentiments.

Toutes les femmes sauf une c’est la question de l’héritage matriarcal transmis de mère en fille qui concerne toutes les femmes devenues mères à leur tour.

Carole Rampal

Théâtre la Flèche
Jusqu’au 8 décembre.
Les jeudis à 21h

77 rue de Charonne – 75011 Paris
01 40 09 70 40

Autrice : Marie Pourchet aux éditions Fayard
Adaptation et interprétation  : Florence Le Corre
Mise en scène : Mickaël Délis
Scénographie :Vincent Blot
Lumières : Alexandre Dujardin

La Claque au Théâtre de la Gaîté-Montparnasse

Remontons le temps où nous attendent, Fred Radix, Alice Noureux et Guillaume Collignon.

Nous sommes en 1865. Sur les planches parisiennes, Auguste Levasseur s’agite. À moins de deux heures de la première représentation, sa troupe de claqueurs vient de lui faire faux bond. Assisté du régisseur, Dugommier, et de Fauvette, musicienne, il fera tout pour sauver le spectacle.
Seule solution, trouver et former au pas de course des remplaçants : leur interpréter des extraits du spectacle constitué initialement de cinq actes, quarante musiciens et trente changements de décors, les initier pour devenir “commissaires”, “rieurs”, ou “pleureurs”. C’est-à-dire ? Suivez Fred Radix. Il vous expliquera tout sur le sujet. Et vous avez compris ?
Les claqueurs, c’est vous… !

Sous le signe de l’humour, ces trois artistes protéiformes enchantent la salle qui les rejoint dans une complicité spontanée dès les premières minutes. Musique, poésie, et plaisir d’apprendre tricotent cette histoire vraie gravée dans les mémoires du théâtre.

Un pari osé pour ce spectacle enlevé, relevé avec succès par Fred Radix qui avait déjà convaincu avec « Le Siffleur » (chroniqué par DMPVD en février 2019 : https://cutt.ly/QBmysrW).

Carole Rampal

Écriture, composition et mise en scène : Fred Radix
Avec Alice Noureux (Fauvette)
et Guillaume Collignon (Dugommier).
Direction d’acteur : Christophe Gendreau
Direction technique : Clodine Tardy
Costumes : Delphine Desnus

Théâtre de la Gaîté-Montparnasse
Les lundis et mardis à 20h30
26 rue de la Gaîté
75014 Paris

Liberté à Brême , au T2G Théâtre de Gennevilliers

Dans cette pièce de Fassbinder, l’héroïne, Geesche Gottfried est une meurtrière : elle empoisonne successivement maris, amants, parents, jusqu’à ses propres enfants, coupables d’exister, quand son second mari menace de la quitter à cause d’eux…

Revendiquant l’amour, l’autonomie, le droit de s’assumer seule, Geesche Gottfried s’oppose aux codes sociaux et religieux de cette société patriarcale du XIXe siècle dans laquelle Fassbinder situe le récit. Humiliations, chantages, violences, verbales et physiques, elle est dès l’ouverture désignée comme victime en tant qu’épouse, fille, amante, mère et n’a d’autre solution que d’éliminer tous ceux qui entravent son désir de liberté…et d’autre échappatoire que la prière.

D’emblée, la mise en scène, à l’instar de la pièce, nie tout jeu néo-réaliste : les personnages sont des archétypes, – le Mari, le Père, la Mère, l’Amant, l’Amie – au service d’une démonstration des rapports dominant-dominé : le Mari crie, ordonne, frappe. La Femme supplie, pleure, gît sur le sol. Les gestes sont violents mais stylisés, quasi abstraits. Les comédiens et notamment Valérie Dréville, sont habités d’une tension palpable, comme reliés par des fils tendus à l’extrême. Rien ne semble filtrer de cette violence sourde, hormis quelques moments furtifs où son corps se crispe, son visage se fige en rictus grimaçants, comme mue par une folie intérieure.

Une grande fresque domine le décor, avec au centre le Christ sur la croix, entouré d’images pieuses, devant laquelle la femme s’agenouille pour prier, après chaque mise à mort, comme un rituel expiatoire. Prise à son propre piège, Geesche Gottfried ne parviendra à s’affranchir qu’en endossant elle-même la figure du bourreau.

Quand tuer devient un acte compulsif, cette tragédie se mue alors en une farce macabre où Fassbinder provoque le rire du spectateur, au-delà de toute morale. « C’est une marque infinie de respect que l’assassinat… »

Un spectacle prenant, une conclusion sans appel.

Florence Violet

Liberté à Brême
De Rainer Warner Fassbinder
Mise en scène de Cédric Gourmelon
Avec Gaël Baron, Guillaume Cantillon, Valérie Dréville, Serge Nail,Nathalie Kousnetzoff, Adrien Michaux, François Tizon, Gérard Watkins

Brèves de comptoir au Théâtre de l’Atelier

Jusqu’au 12 décembre !

Glanées au XXe siècle, ces Brèves de comptoir ont 35 ans ! Nouvelle mise en scène, nouvelle distribution, le Comptoir reprend du service… Mais depuis, la Covid est passée, les bars ont fermé et la mine d’instantanés saisis sur le zinc s’est tarie, forcément… Dans ce spectacle sous-titré Tournée générale, on n’enlève pas son masque pour boire un canon, on ne montre pas son pass sanitaire avant de pouvoir s’alcooliser dès potron-minet. Six piliers de bistrot, dont deux femmes, campés par des comédiens plus vrais que nature, égrènent des perles frappées sur le coin du bon sens, dont l’absurdité et l’incongruité provoquent toujours l’hilarité du public. Il y a celle qui voudrait avoir de plus  grands pieds parce qu’elle aime les chaussures. Celui qui  s’interroge : « Est-ce qu’une plante carnivore peut être végétarienne ? » Ou « Plus je bois et plus je suis saoul parce que moi, je suis logique ! »… Si la pandémie est évacuée, certaines répliques font néanmoins résonner l’actualité : « L’avenir, c’était mieux avant… » « L’environnement, je suis pour, j’ai un jardin. » Ils parlent d’eux, de la Lune, du chomage, des champignons, haussent le ton quand l’ivresse les submerge, sont pris de tremblements épileptiques en écoutant la radio, se précipitent à la fenêtre pour regarder le monde de l’intérieur…

Mais où sont-ils ces laissés-pour-compte que le confinement a cloîtrés chez eux? Les verra t-on ressurgir, ces voix du populo, ces rois du coq-à-l’âne, du politiquement incorrect ? N’ont-ils pas déjà disparu dans ce Paris déserté par l’urgence sanitaire ? Tout à coup, ce bistrot semble suranné, frappé d’un coup de vieux, sous le poids d’un passé qui ne reviendra pas. Des Brèves, par temps de Covid ? On en redemande !

Florence Violet

Théâtre de l’Atelier
Du mardi au vendredi de 17h30 à 21h
Le samedi de 16h à 21h
Le dimanche de 13h à 17h

Texte : Jean-Marie Gourio
Adaptation : Jean-Michel Ribes et Jean-Marie Gourio
Mise en scène : Jean-Michel Ribes

Avec :
Philippe Duquesne
Nanou Garcia
Gilles Gaston-Dreyfus
Philippe Magnan
Marie-Christine Orry
Philippe Vieux

Tartuffe Théorème de Molière aux Bouffes du Nord

Si l’on n’a pas révisé Tartuffe avant le spectacle, on risque d’en perdre son Molière et de se demander qui est vraiment Dorine, si Flipote existe vraiment et si Marianne hésite à épouser Valère parce qu’elle n’a pas totalement tué le père… Mais c’est le propre de Macha Makeïeff d’interroger les apparences de la comédie et de glisser, comme elle l’avait fait dans Trissotin, des sous-textes, de fausses didascalies qui se jouent de la vérité et révèlent les tocs de notre siècle.

Ici, Tartuffe est un faux dévot noir corbeau (fascinant Xavier Gallais), exempt de séduction, soutane noire et visage blème, mais qui domine hommes et femmes par sa force de persuasion. Une apparence contrecarrée par des gestes psychotiques et hallucinés et une psyché enfantine qui lui fait prendre parfois des allures de petit garçon capricieux… Ange diabolique, il a su gagner la confiance d’Orgon, le père crédule (formidable Vincent Winterhalter) qui veut lui marier sa fille. S’ensuit une intrigue où chacun tente de le convaincre de la duplicité du personnage.

Côté esthétique, on est dans les années 50, ce qui accentue la pesanteur du conflit de générations de cette famille bourgeoise, corsetée sous des dehors nonchalants et débridés. Le décor est impressionnant avec un arrière-plan plus onirique derrière un immense rideau de salon transparent. Avec son souci du détail, Macha Makeïeff joue à fond le vintage, couleurs pop, robes graphiques, velours fleuris, tapis façon Lurçat, et en bande-son, Los Machucambos, ce qui donne lieu à une danse débridée hilarante de Dorine, l’amie de la famille (séduisante Irina Solano) et Flipote, la bonne (inénarrable Pascal Ternisien en clown muet) !

Macha Makeïeff a aussi multiplié les références cinématographiques et musicales liées au désir ou à son exacerbation : Théorème de Pasolini, le vampire de Murnau, les moines inquiétants du Nom de la Rose, la violence d’Orange mécanique, etc. Ce parti-pris tout azimut fascine et interpelle par son jusqu’au-boutisme mais submerge le spectateur qui perd parfois le fil de l’intrigue.

Et pourtant, rien ne semble gratuit. Nous assistons bien à la chute de Tartuffe, prédateur accusé d’agressions sexuelles avérées, de détournements de fonds, d’abus de faiblesse et d’escroquerie. À l’heure de Metoo, des sextapes et des dérives sectaires, la tentation de juger et  de démasquer les malfaisants est tristement actuelle, décuplée par des réseaux sociaux fascinés par l’omniprésence du Mal, réelle ou fanstamée.

La fin donjuanesque, le faux dévot rejoignant l’athée dans les flammes de l’Enfer, laisse Orgon prostré, victime de son aveuglement, pour avoir cru en un imposteur tout en regrettant néanmoins l’espoir disparu avec lui…

Un spectacle foisonnant d’idées, parfois excessif, des scènes magistrales (celle où Elmire, l’ambivalente Hélène Bressiant, piège Tartuffe) des tableaux saisissants (messe noire) et des rebondissements qui donnent envie… de relire Tartuffe et de revoir le spectacle !

Florence Violet

Théâtre des Bouffes du Nord
Du 1er au 19 décembre 2021 à 20 h 30

Mise en scène, décor, costume Macha Makeïeff
Lumière Jean Bellorini

Avec
Xavier Gallais — Tartuffe
Arthur Igual en alternance avec Vincent Winterhalter — Orgon, mari d’Elmire
Jeanne-Marie Lévy —Madame Pernelle, mère d’Orgon
Hélène Bressiant — Elmire, femme d’Orgon
Jin Xuan Mao — Cléante, frère d’Elmire
Loïc Mobihan — Damis, fils d’Orgon
Nacima Bekhtaoui — Mariane, fille d’Orgon
Jean-Baptiste Le Vaillant — Valère, amant de Mariane
Irina Solano — Dorine, amie de la famille
Luis Fernando Pérez en alternance avec Rubén Yessayan — Laurent, faux dévot
Pascal Ternisien — Monsieur Loyal, huissier, Flipote, la bonne
et la voix de Pascal Rénéric, l’Exempt

“Dernier carton”, au Théâtre du Gymnase Marie Bell

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Le rideau s’ouvre.

Assis sur un “dernier carton”, le visage ombrageux, Richard Santenac, la soixantaine bien passée, animateur d’une émission littéraire, le portable à la main, hésite à composer le numéro. Quelques secondes plus tard, sur un répondeur, il déposera, à Diane, le message d’un amant affligé après une rupture douloureuse qui tente dans un élan désespéré de renouer contact avec la femme qu’il aime encore.

À ses pieds, deux rouleaux de gros scotch adhésif jonchent sur le sol, à côté d’une bouteille de whisky à moitié vide. À deux mètres de lui, Oussama, le déménageur, attend de pouvoir prendre le dernier carton sur lequel il est assis.

Agité par la souffrance qui l’habite, Richard se lève d’un bond.

Oussama s’inquiète pour lui. Étonnamment plus préoccupé par les états d’âme du présentateur vedette qu’affairé par son job, il ne semble plus s’intéresser au dernier paquet à charger.

Un zeste arrogant, Richard l’exhorte à accélérer la cadence.

Oussama reste face à lui et le questionne pour savoir ce qu’il a pensé du manuscrit qu’il lui a fait parvenir via la chaîne. Pantois et pressé d’en finir avec cette situation qu’il ne comprend pas et ce transporteur à la personnalité étrange, Richard l’expédie. Oussama réussit à retenir sa curiosité en exposant le récit de son roman présentant d’étranges similitudes avec sa vie et celle de Diane.

Nerveux, Richard se sent joué de cet homme qui n’en finit pas de s’imposer à lui. La tension monte. Hors de lui, il l’empoigne et le frappe.

Mais voilà. La différence d’âge entre les deux a raison du plus vieux qui finit pieds et poings liés à un escabeau. La raison du plus musclé n’est pas toujours la plus forte face à un vieux loup désespéré et agressif.

Dans de nombreux rebondissements, les deux hommes vont s’affronter.

Les dialogues percutants dont l’écriture revient à Olivier Balu tiennent en haleine le spectateur. Patrice Laffont (Richard Santenac) et Michaël Msihid (Oussama) dans une complicité évidente se réunissent dans une vraie performance d’acteurs où l’émotion est là au cœur de la psychologie de leurs personnages.

Laurent Ziveri l’a bien compris et a choisi, pour cette nouvelle mise en scène, une scénographie épurée qui laisse d’autant place à remarquer ce duo de choc.

Carole Rampal

Des mots pour vous dire

 

Dernier cartonJusqu’au 1er avril 2020
Lundi, mardi et mercredi à 20h00

Petit Théâtre du Gymnase Marie Bell
http://theatredugymnase.paris/dernier-carton/
38 boulevard de Bonne-Nouvelle
75010 Paris
01 42 46 79 79

 

 

“sspeciess” de Daniel Linehan (Hiatus), au Théâtre de la Cité internationale

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Le vent souffle fort sur la scène du Théâtre de la Cité internationale, ce jeudi 6 février. Cinq danseurs semblent sortir de la torpeur d’une nuit urbaine. Sous des néons à la lumière trop crue, ils se réveillent avec lenteur. Quand “l’une” d’entre eux, allongée près de son compagnon, lui révèle qu’elle a une vision : un oiseau entre deux nuages, puis surgit un écureuil, un chien, une lueur…

Les bruits stridents de la cité déchirent l’aube. Il est l’heure de se lever.
Cinq corps s’animent dans un mouvement de balancement comme soumis à l’apesanteur. Pendant une heure trente, dans une synergie commune, ils chancèleront, dodelineront, cahoteront, balleront bras, jambes, oscilleront comme des astres inéluctablement reliés entre eux et à la nature.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’homme inexorablement relié à son univers lui appartient, et se fond en lui comme les détritus qu’il génère et tapissent l’espace. À l’instar de la mer qui s’agite, s’approche et fuit dans un jeu de va-et-vient, Gorka Gurrutxaga Arruti, Anneleen Keppens, Victor Pérez Armero, Louise Tanoto et David Linehan se retouveront mêlés au creux de la vague dans un éternel recommencement.

L’obscurité prendra place : le spectacle est terminé.

C’est inspiré des écrits du philosophe et écologiste britannique Timothy Morton que le danseur et chorégraphe américain, Daniel Linehan (lui-même sur scène), a choisi d’en proposer une lecture par la “non-danse” et présente pendant deux jours “sspeciess” au Théâtre de la Cité internationale.

Il prolongera sa tournée, le 4 février 2020 : Théâtre de Liège, Festival Pays de Danses ; les 12 et 13 mars 2020 : La Filature, Mulhouse ; les 12 et 13 juin 2020 : Kaaitheater, Bruxelles.

Un chorégraphe à continuer de suivre..

 

Carole Rampal

Des mots pour vous dire

Théâtre de la Cité internationale
www.theatredelacite.com
17, boulevard Jourdan, 75014 Paris
Avec le festival Faits d’hiver

Concept & chorégraphie :
Daniel Linehan (Hiatus)
Dramaturgie : Alain Franco
Assistant artistique :
Michael Helland
Scénographie : 88888
Costumes : Frédérick Denis
Lumière : Gregory Rivoux
Son : Michael Schmid &
Raphaël Henard

Création & interprétation :
Gorka Gurrutxaga Arruti,
Anneleen Keppens, Daniel Linehan, Victor Pérez Armero, Louise Tanoto

 

“Choses vues”, de Victor Hugo, au Théâtre de Poche Montparnasse

© Alejandro Guerrero

Victor Hugo est un témoin précieux de son temps. Précieux par son regard réaliste sur ses contemporains, précieux par son humanité et sa poésie de la vie.

Il a tous les talents – poète, dramaturge, romancier et dessinateur – le plus important étant celui de rendre précieux les événements dont il est témoin et qu’il note dans son recueil de mémoires depuis son adolescence.

Pour qui connaît ses engagements politique, littéraire et social, le lecteur est toujours au cœur de l’action.

Christophe Barbier, qui a choisi les textes, nous fait découvrir ou redécouvrir ce musée vivant de tous les événements qui ont émaillé la vie de Victor Hugo. Ces Choses vues qu’il présente au public avec Jean-Paul Bordes forment un voyage personnel scandé par des drames familiaux, à travers deux empires, deux monarchies et deux républiques, une œuvre littéraire et théâtrale foisonnante, et l’exil.

Les deux comédiens, complices et tout en nuance, se répondent dans une mise en scène simple et fluide parmi des kakémonos imprimés de dessins et de textes rédigés par l’auteur.

On est touché par certaines réflexions de Hugo et souvent étonnés de l’actualité, et de ses propos et de son verbe.

Je vous encourage à aller passer une heure et demie avec l’un des hommes les plus exceptionnels de notre histoire littéraire, l’immense Victor Hugo.

Armelle Gadenne

Des mots pour vous dire

Théâtre de Poche Montparnasse
75, boulevard du Montparnasse
75006 Paris
Tél. : 01 45 44 50 21
theatredepoche-montparnasse.com

À partir du 28 janvier
Du mardi au vendredi 21 h

Choses Vues de Victor Hugo
Avec
Christophe Barbier
Jean-Paul Bordes
Mise en scène : Stéphanie Tesson

“Phèdre”, au TNP Villeurbanne

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© Michel Cavalca

Deux bancs se font face, seul un subtil éclairage joue d’ombre et de lumière comme un pinceau, soulignant un regard, un mouvement, un drapé… dans le tableau. Aux extrémités de la scène des ouvertures donnent sur le monde extérieur d’un côté et de l’autre sur les appartements de Phèdre.

Dans ce quasi dénuement de la scène, le texte de Racine, porté magistralement par les mêmes comédiens que ceux d’Hippolyte, de Garnier (lire ma chronique), est rendu à sa beauté. Son rythme, ses alexandrins, sa retenue s’expriment à la fois dans les corps et dans les mots. C’est du grand art.

Même si les personnages sont, ici aussi, les jouets des dieux et déesses de l’Olympe :
« Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
c’est Vénus tout entière à sa proie attachée. »,
il leur reste les doutes qu’ils laissent parfois émerger, affleurant à la surface du tumulte. Thésée précipite Hippolyte, son fils, dans la mort alors qu’une petite voix intérieure lui chuchote qu’il n’est pas coupable. Mais le drame est là dans toute sa dimension tragique : le jeune Hippolyte mourra et Phèdre se suicidera.

La grande salle du TNP affiche complet pour toutes les représentations… à juste titre. Nombreux sont les lycéens qui viennent entendre pour la première fois du Racine. On est émus pour eux et on se sent privilégiés d’assister à pareil spectacle qui demande autant d’exigence et de rigueur pour rendre au texte de Phèdre toute sa beauté.

Un grand merci à Christian Schiaretti d’avoir programmé les deux joyaux de la langue française que sont l’Hippolyte de Garnier et le Phèdre de Racine en sa dernière année à la tête du TNP.

Plûme

Jusqu’au 30 novembre au TNP Villeurbanne
https://www.tnp-villeurbanne.com/
8 place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne

Phèdre de Jean Racine
Mise en scène : Christian Schiaretti
Avec Francine Bergé, Louise Chevillotte, Philippe Dusigne, Juliette Gharbi, Kenza Laala, Clémence Longy, Julien Tiphaine et Marc Zinga
Scénographie : Fanny Gamet
Lumières : Julia Grand
Costumes : Mathieu Trappler 
Assistante costumes : Laura Garnier
Maquillage et perruques : Françoise Chaumayrac
Son : Laurent Dureux
Assistant à la mise en scène : Colin Rey
Stagiaires à la mise en scène : Mégane Arnaud, Salomé Bloch, Rodolphe Harrot, Sylvain Macia, Léo Martin
Stagiaire à la scénographie : Ariane Chapelet

“Causer d’amour”, au Théâtre des Bouffes du Nord

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Retrouver la clé. La clé de l’amour, le chemin qui y mène… La soixantaine venue, à l’heure du bilan, et fort de deux échecs sentimentaux, Yannick Jaulin s’interroge : d’où lui vient cette inaptitude, cette difficulté d’aimer ?… Alors, il revient à l’origine du monde, l’enfance, dans sa province poitevine où on ne causait pas d’amour mais vêlage, une campagne où les médecins sont des vétérinaires, où il se fait une sorte d’osmose entre les hommes et les bêtes, où l’amour est vache et les hommes en rut… Où il se souvient qu’il regardait sans broncher la mise à mort des cochons et, dans un pays où les femmes ne sont pas faites pour l’amour, du sacrifice de sa mère, des cornes qu’elle a portées parce que d’autres se faisaient trousser dans les champs…

Des histoires d’amour où la mort n’est pas loin.

Alors en guise de prince charmant, c’est la figure de Barbe-Bleue qui surgit : après l’avoir séduite, il revient tuer la dulcinée devenue mère, tuer l’enfant dans l’œuf en quelque sorte. Meurtre patriarcal pour évincer le lignage, garder le pouvoir ? Ou préserver le désir génésique hors des contingences ?

Des contes aux mœurs amoureuses des oiseaux, il poursuit sa quête d’identité : en amour, qui suis-je ?  Le pinson, qui apprend à parler à un poussin qui n’est pas le sien, le troglodyte mignon, qui multiplie les nids, le coucou qui s’approprie celui des autres ?…

Tout cela jaillit du patois poitevin, le parlanjhe de Jaulin, sa sève nourricière, mêlé de français. Une présence forte, une émotion palpable, ancrée, martelée dans la terre avec les pieds, en dansant, en chantant. Il est accompagné par les compositions aériennes de deux musiciens, Morgane Houdemont, la violoniste, et Joachim Florent, le contrebassiste, qui épousent ou prolongent les méandres du discours.

Même si ne suis pas sûre d’en avoir compris la conclusion, dans ce final en patois, j’y ai entrevu une « clé » : malgré la persistance du désir, le défi qu’il lance aux conventions, parfois l’amour fait peur … ?

I t’aeme ! Jaulin !

Florence Violet

Accompagnement musical et composition :
Morgane Houdemont et Joachim Florent
Mise en scène : Philippe Delaigue
Collaboration à l’écriture:
Valérie Puech et Marie-Odile Sansault
Scénographie : Alain Burkarth
Lumières : Guillaume Suzenet et Fabrice Vétault
Son : Fabien Girard et Jean-Bertrand André
Régie : Laurent Jaulin

Théâtre des Bouffes du Nord
37, boulevard de la Chapelle
75010 Paris
http://www.bouffesdunord.com/

Jusqu’au 26 octobre
Du mardi au samedi à 21h
Les 19, 24, 25 et 26 octobre à 19 h :
Ma langue maternelle va mourir et J’ai du mal à vous parler d’amour

Dates de tournée :
http://yannickjaulin.com/la-tournee

 

 

 

 

 

“Tchékhov à la folie”, au Théâtre de Poche-Montparnasse

TCHEKHOV A LA FOLIE (Jean-Louis Benoit 2019)crédit photo : Victor Tonelli

La Demande en mariage et L’Ours : deux farces distinctes en un acte, souvent représentées au cours d’un même spectacle, et pour cause.
Ces deux “plaisanteries” comme les nommait Anton Tchékhov brossent le tableau d’une Russie rurale du XIXe siècle et dessinent les mêmes contours du mariage et des raisons qui l’y conduisent entre intérêts terriens et… et quand l’amour s’en mêle…
Rien ne va plus, d’autant que les protagonistes dotés d’un tempérament agreste bondissent respectivement sur leurs voisins à la moindre occasion, à propos du moindre sou ou de parcelle des “Petits prés aux bœufs”. C’est ce qui arrive entre Lomov, Natalia Stepanovna et son père (La Demande en mariage). Une journée qui s’annonçait pourtant sous de joyeux auspices : Lomov venait demander à Stepan la main de sa fille qui en est enchanté. Oui mais voilà, Natalia et Lomov, désireux pourtant de ce mariage, sont incapables de se contrôler et se querellent sur tout jusqu’au sujet de leurs chiens.

Quant à Grigori Stépanovitch Smirnov, il ne vient pas rendre une visite de courtoisie à la veuve Elena Ivanovna Popova (L’Ours). Désespéré par des dettes qu’il doit honorer demain, il lui réclame son dû. Femme honnête, elle consent à régler les factures de son feu mari mais après-demain quand son intendant sera de retour. Ce n’est pas dans deux jours mais aujourd’hui que Grigori en a besoin : il est sur la paille. Il décide de prendre place sur le divan et, comme s’il était chez lui, interpelle le laquais pour obtenir un verre d’eau.

Vieil “ours”, misogyne, sa patience est à rude épreuve devant le refus encore plus persistant d’Elena qui n’a qu’une hâte, revenir dans sa chambre et s’y enfermer pour vivre en ermite son veuvage. Car elle reste fidèle à cet homme infidèle même à travers la mort. Que Grigori le sache, lui, amer de l’amour qui a choisi de mettre toutes les femmes dans le même panier. Et c’est qu’elle a du caractère et ne s’en laisse pas conter. Elle ne se dérobera pas et ira relever le duel d’armes – si peu féminin soit-il – que cet hobereau lui impose. Face à sa trempe, Grigori tombe sous le charme et à ses pieds la demande en mariage.

La mise en scène, signée Jean-Louis Benoit, est explosive tout comme les personnages de ces deux farces. Émeline Bayart, Jean-Paul Farré, et Manuel Le Lièvre campent leur personnage avec pétulance. L’énergie circule sur scène, et dans le tumulte des colères, la table se retourne, les chaises se renversent, les fenêtres s’ouvrent, se ferment, les murs se déplacent dans un décor amovible. Sur fond sonore de bruits d’animaux de la ferme, objets, papiers peints et costumes nous transportent à la campagne.

Les répliques s’enchaînent bien sûr mais le jeu des acteurs, bien rompus à l’exercice, excelle par les mimiques d’Émeline Bayart qui n’a pas son pareil, les tics de Manuel Le Lièvre et les expressions de Jean-Paul Farré. Le grotesque des situations prend : le rire gagne la salle.

Le spectacle se termine. Trop tôt, on aurait voulu rester plus longtemps avec eux.

Carole Rampal

Tchékhov DMPVD

Représentations du mardi au samedi à 21h, dimanche à 17 h 30
Théâtre de Poche-Montparnasse : réservations par téléphone au 01 45 44 50 21, au guichet du théâtre, ou via le site www.theatredepoche-montparnasse.com

Textes : Anton Tchékhov
Traduction : André Markowicz et Françoise Moravan
Metteur en scène : Jean-Louis Benoit
Avec
Émeline Bayart : Natalia (La Demande en mariage), Éléna (L’Ours)
Jean-Paul Farré : le beau-père (La Demande en mariage), Grigori (L’Ours)
En alternance : Manuel Le Lièvre et Mathieu Boulet :
Lomov (La Demande en mariage), Louka (L’Ours)
Décor : Jean Haas
Costumes : Frédéric Olivier
Assistant à la mise en scène : Antony Cochin

 

 

“La vie de Galilée”, à La Scala Paris

laviedegalilé2

Philippe Torreton ne pouvait pas passer à côté d’un aussi beau rôle, il incarne un Galilée déterminé et lucide, capable de passer de la légèreté quand il transmet son savoir, à une extrême gravité face à l’obscurantisme. Les mots de Brecht raisonnent de façon étrangement actuelle dans cette belle mise en scène de Claudia Stavisky.

La vérité, mais à quel prix ?
Comment révéler la vérité et résister à la pression et surtout aux menaces qui pèsent sur celui qui contredit l’ordre établi ? Avec beaucoup de courage, de ténacité, d’intelligence, et la conviction que l’on a découvert quelque chose d’essentiel pour l’humanité.

Mais au XVIIe siècle l’Église est puissante et craint une remise en cause profonde de l’équilibre du monde et de l’existence même de Dieu. Galilée en subira les conséquences et devra ruser pour poursuivre ses travaux malgré le manque de liberté et le danger d’être de nouveau emprisonné.

Dans la peau de Galilée
Pratiquement tout le temps sur scène, Philippe Torreton incarne un Galilée dans la force de l’âge jusqu’à un âge avancé, on assiste à une transformation physique subtile de la part du comédien. Il entraîne avec lui tous les acteurs, dont certains jouent plusieurs rôles, que l’on sent investis et emmenés par une histoire et un texte puissants, et un acteur principal charismatique.

Par des jeux de lumière, la scène est tour à tour le bureau de Galilée, la salle de l’arsenal de Venise ou le palais du Vatican dans une valse de meubles qui se déplacent au gré des lieux où se joue l’action. Très beau et impressionnant de créativité.

Les 2h35 de spectacle ne doivent pas vous freiner…, on ne les voit pas passer. Courez observer les étoiles à travers le télescope de Galilée, allez à la découverte de l’univers de Brecht.

Scribo

Théâtre de La Scala Paris
13, boulevard de Strasbourg
Paris, 10e
https://lascala-paris.com/programmation/la-vie-de-galilee/

Du 10 septembre au 9 octobre
Du mardi au samedi à 20 h 30
Le dimanche à 17 h

Distribution
Texte  : Bertolt Brecht
Mise en scène : Claudia Stavisky
Avec : Philippe Torreton, Gabin Bastard, Frédéric Borie, Alexandre Carrière, Maxime Coggio, Guy-Pierre Couleau, Matthias Distefano, Nanou Garcia, Michel Hermon, Benjamin Jungers, Marie Torreton
Assistant à la mise en scène : Alexandre Paradis
Scénographie et costumes : Lili Kendaka
Lumière : Franck Thévenon