“Phèdre”, au TNP Villeurbanne

Ce diaporama nécessite JavaScript.

© Michel Cavalca

Deux bancs se font face, seul un subtil éclairage joue d’ombre et de lumière comme un pinceau, soulignant un regard, un mouvement, un drapé… dans le tableau. Aux extrémités de la scène des ouvertures donnent sur le monde extérieur d’un côté et de l’autre sur les appartements de Phèdre.

Dans ce quasi dénuement de la scène, le texte de Racine, porté magistralement par les mêmes comédiens que ceux d’Hippolyte, de Garnier (lire ma chronique), est rendu à sa beauté. Son rythme, ses alexandrins, sa retenue s’expriment à la fois dans les corps et dans les mots. C’est du grand art.

Même si les personnages sont, ici aussi, les jouets des dieux et déesses de l’Olympe :
« Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :
c’est Vénus tout entière à sa proie attachée. »,
il leur reste les doutes qu’ils laissent parfois émerger, affleurant à la surface du tumulte. Thésée précipite Hippolyte, son fils, dans la mort alors qu’une petite voix intérieure lui chuchote qu’il n’est pas coupable. Mais le drame est là dans toute sa dimension tragique : le jeune Hippolyte mourra et Phèdre se suicidera.

La grande salle du TNP affiche complet pour toutes les représentations… à juste titre. Nombreux sont les lycéens qui viennent entendre pour la première fois du Racine. On est émus pour eux et on se sent privilégiés d’assister à pareil spectacle qui demande autant d’exigence et de rigueur pour rendre au texte de Phèdre toute sa beauté.

Un grand merci à Christian Schiaretti d’avoir programmé les deux joyaux de la langue française que sont l’Hippolyte de Garnier et le Phèdre de Racine en sa dernière année à la tête du TNP.

Plûme

Jusqu’au 30 novembre au TNP Villeurbanne
https://www.tnp-villeurbanne.com/
8 place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne

Phèdre de Jean Racine
Mise en scène : Christian Schiaretti
Avec Francine Bergé, Louise Chevillotte, Philippe Dusigne, Juliette Gharbi, Kenza Laala, Clémence Longy, Julien Tiphaine et Marc Zinga
Scénographie : Fanny Gamet
Lumières : Julia Grand
Costumes : Mathieu Trappler 
Assistante costumes : Laura Garnier
Maquillage et perruques : Françoise Chaumayrac
Son : Laurent Dureux
Assistant à la mise en scène : Colin Rey
Stagiaires à la mise en scène : Mégane Arnaud, Salomé Bloch, Rodolphe Harrot, Sylvain Macia, Léo Martin
Stagiaire à la scénographie : Ariane Chapelet

“Dom Juan” au TNP Villeurbanne

Ce diaporama nécessite JavaScript.

© Michel Cavalca

Comment interpréter Dom Juan aujourd’hui, pièce jouée et rejouée depuis des siècles ? Comment captiver le spectateur du XXIe siècle et le faire entrer dans la comédie de Molière ?
En passant la porte du TNP, on ne sait pas à quoi s’attendre mais dès la première tirade de Sganarelle sur le tabac, on tombe sous le charme. Ça sonne juste, ça nous parle, ça fait écho aux préoccupations de notre société.

La démarche d’Olivier Maurin, metteur en scène plutôt d’auteurs contemporains, n’est pas banale. C’est en regardant les membres de sa troupe qu’il s’est dit : « Ces trois acteurs composaient pour moi le trio idéal pour Dom Juan, Sganarelle et Elvire. C’est le point de départ essentiel, car mon désir de théâtre part des acteurs et de l’écoute des textes. »

Et il ne s’est pas trompé, parce que ces trois-là endossent leur rôle dans une belle énergie portée par toute la troupe.

Dom Juan séduit, épouse, abandonne, plus vite que son ombre.

Sganarelle a du mal à suivre un tel maître mais par son impertinence, il peut  « disputer » philosophie avec lui.

L’enjeu pour Olivier Maurin était de « faire coexister la philosophie et la comédie, la réflexion et le rire : un théâtre “où on joue” et un théâtre “où on pense”. »

Du coup, pas besoin de costumes d’époque, ni de décor pesant. Les costumes sont neutres, le décor modeste, rien ne trouble l’entendement de la langue, mise en valeur par la diction impeccable des comédiens, leur jeu tout en nuances et subtilités. Bravo !

À chaque moment, le texte du XVIIe siècle nous touche et résonne en nous. Dom Juan incarne la liberté de penser, d’agir, il s’attaque aux piliers de la société de son époque, le père et la religion. Il dénonce l’hypocrisie des hommes de Dieu (comme dans le Misanthrope) et l’hypocrisie en général, qu’il sait si bien singer, même si à force de se jouer de tout, il va directement à sa perte…

Mais la force du texte réside aussi dans le talent qu’a Jean-Baptiste Poquelin à nous faire réfléchir tout en nous faisant rire. Excellent !

Décidément, Molière reste d’une étonnante actualité !

Courez-y vite !

Plûme

Jusqu’au 7 décembre au TNP
https://www.tnp-villeurbanne.com/
8 place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne cedex

Dom Juan
de Molière / mise en scène Olivier Maurin
Avec Clémentine Allain, Fanny Chiressi, Arthur Fourcade, Héloïse Lecointre, Matthieu Loos, Mickaël Pinelli Ancelin, Rémi Rauzier et Arthur Vandepoel
Collaboration artistique :  Sandrine Sisoutham
Scénographie et costumes : Emily Cauwet-Lafont
assistée de Guillemine Burin des Roziers
Création lumière : Nolwenn Delcamp-Risse
Création sonore et musique : Antoine Richard

“Hippolyte”, au TNP Villeurbanne

Ce diaporama nécessite JavaScript.

© Michel Cavalca

C’est un jeune homme qui aime courir les bois, poursuivre les animaux, se réfugier au sein de la nature, solitaire.

Hippolyte, né de la rencontre de son père Thésée et d’une amazone, se révolte contre la passion violente de sa belle-mère.

Phèdre, épouse de son père, celle qu’il appelle « mère » ou « marâtre », brûle de désir pour lui.

Dans la langue du XVIe siècle, l’auteur, Robert Garnier, n’y va pas par quatre chemins, il raconte cet amour comme un désir charnel si puissant qu’il dévaste tout sur son passage. « Il y a du sexe, du sang et de l’action. Le corps accompagne l’âme », écrit Christian Schiaretti dans la présentation de l’œuvre.

La nourrice de Phèdre, qui au début voulait lui faire entendre raison, l’aide finalement à mettre au point un stratagème pour égarer Thésée, le mari de retour au palais, et ainsi causer la perte d’Hippolyte… et par là même celle de Phèdre.

Mieux vaut la mort de celui qu’elle aime… si elle ne peut le posséder pleinement.

Pour cette tragédie, dans une langue qui nous est lointaine quoique familière, avec de grandes tirades, il fallait que le jeu des comédiens ainsi que la mise en scène soient particulièrement réussis pour ne pas lasser le spectateur. Le défi est relevé haut la main.

Christian Schiaretti et sa bande de comédiens, dont on sait combien il se sent proche, donnent ici le meilleur.

Les courtisanes, puis les courtisans, tel un chœur antique, déclament, chantent, jouent de la musique. On est transportés à la cour de Phèdre et l’on tremble d’approcher du dénouement même si l’on le connaît dès l’entrée sur scène.

À l’amour, à la mort !

On attend avec impatience la version de Racine, écrite un siècle plus tard (Phèdre), et que Schiaretti veut « offrir » aux spectateurs du TNP comme deux cadeaux de la langue française en mouvement et en devenir… À suivre.

Plûme

Jusqu’au 17 novembre
Théâtre National Populaire
8, place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne
https://www.tnp-villeurbanne.com/

de Robert Garnier, mise en scène Christian Schiaretti

Avec Francine Bergé, Louise Chevillotte, Philippe Dusigne, Juliette Gharbi, Kenza Laala, Clémence Longy, Julien Tiphaine, Marc Zinga

Chœur David Achour, Léo Bianchi, Marion Lévêque, Colin Rey, Julien Thonnat, Adrien Zumthor

Berger hollandais Nikita
Cornets à bouquin François Cardey
Percussions Olivia Martin
Luth et théorbe, en alternance Charles-Édouard Fantin, Clément Stagnol
Soprane Anaïs Merlin
Scénographie Fanny Gamet
Lumières Julia Grand
Costumes Mathieu Trappler

 

“Désobéir”, au TNP Villeurbanne

 

© Axelle de Russe 

Quatre filles déboulent sur le plateau. Elles ont la démarche souple et rapide. Leurs pas martèlent leur détermination. Elles ne s’en laissent pas conter, elles sont de celles qui tiennent tête à leur père, à leur mère, aux mecs, à la religion, à la tradition…

Toutes issues de familles venues d’ailleurs, elles racontent leur histoire. C’est un choix du Théâtre de la Commune que de proposer tous les ans un spectacle en prise avec l’actualité, renouant ainsi avec « le théâtre comme art politique ». Cette pièce a surgi, en novembre 2017, de rencontres avec des dizaines de jeunes femmes de Seine-Saint-Denis, qui savaient dire « NON ». Aujourd’hui, elles sont à Villeurbanne.

Elles ont le verbe haut et parfois cru, le débit précipité de leur génération, la danse dans la peau. De leur vécu est née leur révolte, leur désir de justice, leurs choix.

La mise en scène de Julie Berès colle à leur énergie, leur laissant toute la place, sans décor (ou presque) qui pourrait les entraver. Elles sont chez elles, libres d’aller et venir, de chanter, de danser, sur scène comme dans la vie.

Ava Baya, Lou-Adriana Bouziouane, Charmine Fariborzi et Séphora Pondi nous parlent, nous interpellent, nous font entrer dans la danse… Et on y va ! Leur joie de jouer ensemble est communicative, on a souvent le sourire aux lèvres et on rit de bon cœur de mots, de gestuelles ou de situations. Ça sonne juste la désobéissance ! Ces quatre filles secouent les préjugés, rêvent de leur avenir, s’interrogent sur la religion, les rapports femmes/hommes, parlent d’amour et de sexe… sans tabous. Avec un humour percutant, elles nous livrent un spectacle incroyablement libre et joyeux.

Quatre femmes puissantes, comme le dirait Marie NDiaye, prix Goncourt 2009.

Plûme

Texte Julie Berès, Kevin Keiss, Alice Zeniter
Avec Ava Baya, Lou-Adriana Bouziouane, Charmine Fariborzi, Séphora Pondi
Travail sur le corps Jessica Noita
Scénographie Marc Lainé, Stephan Zimmerli
Dramaturgie Kevin Keiss
Costumes Élisabeth Cerqueira
Création sonore David Ségalen
Création lumière Laïs Foulc
Création vidéo Christian Archambeau
Compagnie Les Cambrioleurs
, précédemment le Théâtre de la Commune – CDN d’Aubervilliers

Jusqu’au 19 octobre :
Théâtre national populaire
8, place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne cedex
https://www.tnp-villeurbanne.com/manifestation/desobeir/

Puis en tournée :

5 NOVEMBRE 2019 SCÈNES DU GOLFE, VANNES (56)
7 NOVEMBRE 2019 THÉÂTRE D’AURAY (56)
13 – 15 NOVEMBRE 2019 COMÉDIE POITOU-CHARENTES, CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE POITIERS (86)
21 – 22 NOVEMBRE 2019 THEATRE DU BOIS DE L’AUNE, AIX-EN-PROVENCE (13)
27 – 29 NOVEMBRE 2019 COMÉDIE DE L’EST, CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE COLMAR (68)
2020
21 JANVIER LE MANÈGE, SCÈNE NATIONALE DE MAUBEUGE (59)
23 JANVIER  THÉÂTRE DU GARDE-CHASSE, LES LILAS (93)
28 – 30 JANVIER  THÉÂTRE FIRMIN-GÉMIERS – LA PISCINE, CHATENAY-MALABRY (92)
1ER FÉVRIER  THÉÂTRE DE LA RENAISSANCE, MONDEVILLE (14)
4 – 5 FÉVRIER  TRANSVERSALES, VERDUN (55)
7 FÉVRIER LA FAIENCERIE, CREIL (60)
11 FÉVRIER  THÉÂTRE DE LA TÊTE NOIRE, ORLEANS (45)
13 FÉVRIER  LA MAISON DU THÉÂTRE, BREST (29)
18 – 19 FÉVRIER THEATRE DES ILETS, CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE MONTLUCON (03)
21 – 22 FÉVRIER SCÈNE NATIONALE DU CREUSOT (71)
25 – 28 FÉVRIER THÉATRE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES (78)
3 – 4 MARS SCÈNE 61, SCÈNE NATIONALE D’ALENCON (61)
6 MARS LE RIVE GAUCHE, SAINT-ÉTIENNE-DE-ROUVRAY (76)
10 MARSLE CARRÉ, SCÈNE NATIONALE DE CHATEAU-GONTHIER (53)
13 MARS THÉÂTRE ANDRÉ MALRAUX, CHEVILLY-LARUE (94)
17 – 18 MARSTHÉÂTRE DE CORNOUAILLES, QUIMPER (29)
20 MARS L’ÉCLAT, PONT-AUDEMER (27)
23 – 26 MARS THÉATRE UNIVERSITAIRE, NANTES (44)
3 AVRIL THÉATRE DE VENISSIEUX (69)
9 – 10 AVRIL DIEPPE SCÈNE NATIONALE (76)
16 AVRIL AGORA, BOULAZAC (24)
21 AVRIL THÉÂTRE PAUL ÉLUARD, CHOISY-LE-ROI (94)
28 – 30 AVRIL THÉÂTRE DE LA CITÉ, TOULOUSE (31)
5 – 7 MAI LE MANÈGE, REIMS (51)
12 MAI ESPACE 1789, SAINT-OUEN (93)
14 MAI PRONOMADE(S) EN HAUTE-GARONNE, ENCAUSSE-LES-THERMES (31)
19 MAI THEATRE DE CHÂTILLON (92)
4– 14 JUILLET FESTIVAL DE THEATRE SAO JOSE DE RIO PRETO, BRÉSIL

 

 

“Inoxydables”, au TNP Villeurbanne

© Michel Cavalca

Au son du groupe de Rock Métal Klone, nous voici invités dans un concert. La musique live envahit la scène dans les vapeurs d’alcool et de cigarettes. On y est.

Sil joue de la basse. Mia danse. Leurs regards se croisent et c’est le coup de foudre. Ils restent collés l’un à l’autre toute la soirée et débute ainsi une relation… inoxydable.

Dehors, on entend des explosions… Y’a la guerre mais la musique et l’amour isolent et protègent le groupe et le couple, loin du fracas du monde.

La réalité finit par les rattraper. Le groupe éclate.

Malgré leurs réticences, Sil et Mia sont obligés de partir, de fuir ce pays où chacun est devenu une cible.

Commence alors la longue et douloureuse fuite, frontière après frontière, arrestation après arrestation, longue marche, escalade, froid, soif, chaleur, faim, saleté, échec après échec.

Et toujours la musique.

Et toujours leur amour inoxydable.

Ils continuent d’avancer, ils recommencent leur périple pour trouver la sécurité, nécessaire à la vie.

Dans ce théâtre, que la compagnie En Acte(s) qualifie d’immersif, la pièce nous emmène loin. Nous sommes avec Sil et Mia, nous courons avec eux, nous sautons les murs avec eux, nous ressentons leur faim, leur soif… leur espoir.

La force du texte de Julie Ménard trouve son expression la plus aboutie grâce à une mise en scène économe de moyens mais pas de ressentis. Maxime Mansion saisit la note juste pour provoquer notre empathie. On ne sait pas où l’on est, mais on se dit que ça peut arriver n’importe où, y compris en France.

Le thème de l’exil trouve ici une voie – et une voix – inattendue dans l’univers du rock métal… Magnifiques comédiens, Juliette Savary et Antoine Amblard, qui incarnent les deux amants, si vrais, si beaux de tant d’imperfections, de tant d’humanité.

À la fin du spectacle, toujours accompagné du groupe Klone, une explosion d’émotions nous submerge et l’on se dit : « Eux, c’est nous ! »

Plûme

Texte Julie Ménard
Mise en scène Maxime Mansion
Musique live – metal progressif groupe Klone
avec Antoine Amblard et Juliette Savary
création musicale et musique live Guillaume Bernard, Aldrick Guadagnino et Yann Ligner, fondateurs du groupe Klone
création sonore Quentin Dumay
création lumière Lucas Delachaux
scénographie Amandine Livet
costumes Paul Andriamanana Rasoamiaramanana
production Mathilde Gamon
production EN ACTE(S)
coproduction Théâtre National Populaire
avec le soutien de La Mouche – Saint-Genis-Laval

Jusqu’au 6 avril
Mardi 2, mercredi 3, vendredi 5 et samedi 6 avril
à 20 h 30
Théâtre national populaire
8, place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne cedex
04 78 03 30 00

 

“Victor ou les enfants au pouvoir”, au TNP Villeurbanne

18-19-diapo-victor-img_5344-66© Michel Cavalca

Sur la scène plate, tel un plan, se déplie l’appartement bourgeois des Paumelle, tout en blanc souligné de noir.

Cette famille bien lisse va voler en éclats, comme les vases – et la scène –, sous les coups répétés du plus jeune de ses membres, Victor, l’enfant “terriblement intelligent”.

C’est le jour de son anniversaire et Victor – qui mesure déjà 2 mètres – décide de fêter ses 9 ans de façon radicale, bien au-delà des clichés habituels.

“J’ai la vue bonne et le jugement sûr”, déclare-t-il.

Pour commencer, il s’attaque à sa famille. Ainsi il tombe les masques de l’hypocrisie, des faux-semblants, des apparences…

Il ridiculise l’armée en la personne du général, les amants adultérins que sont son père et l’amie de la famille, la mère d’Esther, petite fille souffre-douleur qui endure claque sur claque tout au long de la pièce.

On est ici dans le théâtre surréaliste de Roger Vitrac, ami d’Antonin Artaud, où les mots sont chahutés, où le sens est bousculé et où les personnages, sur le mode burlesque, s’acheminent inévitablement vers la mort.

À l’origine, l’action se déroulait en 1909, Christian Schiaretti et les conseillers littéraires la transposent en 1990, jouant sur le 9, chiffre clé de la pièce, puisque Victor fête ses 9 ans. On passe donc de la guerre de 1870 à la Seconde Guerre mondiale et de l’empire colonial à la guerre d’Algérie. Ce qui rend d’autant plus contemporaine la charge corrosive contre la société.

“Lorsque faire bonne figure devient une obsession, que l’image prend le pas sur l’expression des singularités, les conventions deviennent plus étouffantes que les conflits qu’elles sont censées éviter”, affirme Guillaume Carron, conseil littéraire.

Saluons les comédiens, tous remarquables, et particulièrement David Mambouch et Corinne Martin dans le rôle des enfants, qui nous entraînent, parfois brutalement et malgré nous, vers la fin tragique. Là, comme une aide à notre compréhension, le visage de la mort passe derrière le rideau.

Plûme

Jusqu’au 30 mars au Théâtre National Populaire
Les mardi 26, mercredi 27, vendredi 29 et samedi 30 mars à 20h00 et le jeudi 28 mars à 19h30.
8 place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne Cedex
04 78 03 30 00

 

Victor ou les enfants au pouvoir
de Roger Vitrac
Mise en scène Christian Schiaretti
Avec Olivia Balazuc, Olivier Borle, Philippe Dusigne, Ivan Hérisson, Safourata Kaboré, Kenza Laala, Clémence Longy, David Mambouch, Corinne Martin, Juliette Rizoud
Conseiller à l’écriture Olivier Balazuc
Scénographie et accessoires Fanny Gamet
Lumières Julia Grand
Son Laurent Dureux
Vidéo Marina Masquelier
Costumes Mathieu Trappler
Maquillage et coiffure Françoise Chaumayrac
Conseil littéraire Guillaume Carron
Assistante à la mise en scène Kenza Laala
Stagiaire à la mise en scène Salomé Vieira

 

 

“Meute”, au TNP Villeurbanne

©Michel Cavalca

La Compagnie Le Grand Nulle Part nous invite à assister à la naissance de la Meute dans une petite ville que rien ne prépare à voir naître autant de démons en son sein.

Un jeune homme rentre chez lui après avoir purgé une peine de dix ans pour un incendie qui a coûté la vie à deux personnes. Et le petit bourg n’aura de cesse que de le persécuter à travers sa police, sa population, ses médias, ses tribunaux et jusqu’au Parlement.

Julie Guichard a choisi, pour sa mise en scène, le temps long pour nous amener, comme dans le film La Poursuite impitoyable, à suivre pas à pas l’enchaînement inexorable de la brutalité.

Les six comédiens sur scène interprètent avec talent et énergie tous les protagonistes. Ils courent d’un bout à l’autre de la scène, bougent le décor composé de chaises, d’un bureau et d’un distributeur de boissons. Cette dynamique rend bien compte de l’affolement qui s’empare des uns et des autres.

On entre ainsi dans la démarche artistique de La Compagnie Le Grand Nulle Part qui « s’inscrit aussi dans une volonté de parler du monde dans sa matière brute, voire brutale mais aussi dans sa profonde légèreté ludique, en s’interdisant toute forme de commentaire, dans un rapport de complicité avec le public. »

Et c’est réussi !

Plûme

Texte de Perrine Gérard
Mise en scène : Julie Guichard
Avec Liza Blanchard, Joseph Bourillon, Ewen Crovella, Manon Payelleville, Mathieu Petit et Arthur Vandepoel
Collaboration artistique  : Perrine Gérard
Composition musicale : Guillaume Vesin et Quentin Martinod
Scénographie : Camille Allain Dulondel
Costumes : Sigolène Pétey
Lumières : Arthur Gueydan
Son : Guillaume Vesin

au Théâtre National Populaire
8 place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne Cedex
Tél. 04 78 03 30 00
http://tnp-villeurbanne.com

Jusqu’au 8 février 2019
Les samedi 26, mardi 29, mercredi 30 janvier, vendredi 1er , samedi 2, mardi 5, mercredi 6, vendredi 8 février, à 20 h 30
Les jeudis 24, 31 janvier, 7 février, à 20 h
Les dimanches 27 janvier, 3 février, à 16 h

“Mme Klein”, au TNP de Villeurbanne

MADAME KLEINMADAME KLEIN

©Pascal Gély

Sur scène trois femmes : la mère, la fille, l’amie.

La mère, Mélanie Klein, grande psychanalyste, spécialiste de l’enfant, donne le la à la rencontre.

Dans le décor pesant d’un salon aux lourds rideaux, la mère, sa fille, elle aussi psychanalyste, et une amie, psychanalyste aussi, vont s’entre-déchirer le temps d’une nuit.

Chaque pensée, chaque mot, chaque mouvement est analysé, disséqué et interprété. Rien n’échappe à l’acuité d’esprit de Mme Klein. Elle est pourtant en pleine dépression, pétrie de culpabilité : son fils vient de mourir et sa fille soutient qu’il s’agit d’un suicide dont la mère est la responsable.

C’est l’heure des règlements de comptes. Avec violence et cruauté, mère et fille se lancent dans un conflit qui doit se conclure par la rupture. Ces femmes intelligentes et passionnées ont donné leur vie pour leur métier, elles cherchent, elles fouillent l’inconscient des autres, mais aussi le leur, sans s’épargner. Seule, l’amie garde une certaine distance, une lucidité qui n’est pas exempte d’ambiguïté.

Nicholas Wright, dramaturge anglais, nous fait entrevoir les débats qui secouaient la psychanalyse en 1934, sans jargon, sans termes abscons, la langue y est précise, rude, sans pitié, même si parfois des notes d’humour affleurent entre deux saillies assassines.

L’excellente interprétation des comédiennes, Marie-Armelle Deguy, Sarah Le Picard et Clémentine Verdier, nous plonge dans les abîmes de l’inconscient, des blessures jamais cicatrisées, mises sur la table à l’heure des vérités.

Personne n’en sort indemne, pas même le spectateur. Mais il est parfois nécessaire d’aller interroger les relations mère-fille quelle que soit l’époque ou le lieu…

Plûme

de Nicholas Wright
Texte français François Regnault
Mise en scène Brigitte Jaques-Wajeman
avec Marie-Armelle Deguy, Sarah Le Picard, Clémentine Verdier
Assistant à la mise en scène Pascal Bekkar
Scénographie Emmanuel Peduzzi
Lumières Nicolas Faucheux 

Jusqu’au 22 décembre
Dernières représentations : mardi 18, mercredi 19, vendredi 21 et samedi 22,
à 20 h 30

Théâtre national populaire
8 Place Lazare-Goujon
Villeurbanne
Tél. : 04 78 03 30 30
tnp-villeurbanne.com

Fin de journée aux Langagières, au TNP Villeurbanne

langagieres (1)

Dernier jour, dernières heures… Samedi 2 juin, petits moments croqués à pleines dents par une amoureuse des langues.

Tout d’abord lecture de poèmes et pensées en archipel, aujourd’hui présentation de la revue États provisoires du poème, le numéro 17 est consacré au Japon.

Sur scène, Jean-Pierre Siméon, l’un des créateurs des Langagières et Benoît Reiss, co-directeur de Cheyne Éditeur, deux piliers de la revue. L’un jouant les Candide et demandant à l’autre, qui a travaillé dix ans au Japon, pourquoi appelle-t-on ce pays « monde flottant ».

Embarras, flottement… parce que ce sont des îles. Tout de suite déferle la vague d’Okusaï dans mon cerveau, eh bien oui, c’est ça ! Cette définition me va.

Sur scène, deux comédiens, feuilles chargées de poèmes sur pupitre, et voilà notre monde flottant qui surgit. Yves Bressiant et Fany Buy lisent (et c’est bien plus que ça), se répondent, enchaînent haïkus et impressions au soleil levant. La poésie est là, qui palpite de beauté, chuchotée, clamée, scandée.

Je plonge dans un onsen (bain japonais) avec Benoît Reiss et sa petite fille et je tends l’oreille pour saisir quelques notes du chant des grenouilles, venu du fond de la terre. Je suis la flèche que Jean-Pierre Jourdain pourrait peut-être un jour tirer…

J’écoute la colère du poète Ôoka Makoto :
Alors mes camarades
Messieurs les poètes
à nous aussi d’un cœur tranquille
de nous y mettre et de remplir dans son entier
d’un geste sûr la carte de la poésie

 Sans transition, le temps de monter plusieurs volées d’escalier au pas de course et me voilà langue pendante à devoir exercer mes papilles.

Vin blanc, fromage de chèvre m’attendent pour une première dégustation.

Voilà qui colle, si on peut dire, à la langue dans tous ses états…

Un fromager et un caviste, Benoît Charron et Jean-françois Bernard venus en voisins, nous entretiennent de leur passion… instant suspendu entre croûte riche, pâte molle et effluves biodynamiques…

Passage par le hall, où jeunes et moins jeunes montent sur la scène de la brasserie partager une tranche de vie slamée et le marathon des Langagières continue.

Grand tour de l’Afrique racontée et chantée avec l’orchestre Soro Solo pour le bal de clôture. Aux rythmes effrénés, je me trémousse et je transpire dans le dernier bain de langues de la saison.

Aperçu d’une fin de journée aux Langagières (il y en douze), histoire que l’année prochaine, vous vous précipitiez sur le programme du TNP Villeurbanne sans hésitation.

À bientôt !

Plûme

TNP Villeurbanne
8, place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne Cedex
https://www.tnp-villeurbanne.com/

 

“Les Langagières”, au TNP Villeurbanne

homepage-ok-langagiere-v2-480x270

Balade dans « la langue dans tous ses états ». Le maître d’œuvre, Christian Schiaretti, court sur tous les plateaux, anime les débats, félicite un groupe d’élèves, présente les invités, raconte…

Dans le bouillonnement de ces deux semaines de Langagières, pas de pause pour les amoureux de la langue, des langues…

Ils pourront aller en famille écouter les Contes du chat perché et assister avec quelque frayeur à la transformation de Delphine et Marinette en deux beaux navets plantés d’une fourchette.

Se laisser happer par une Brève histoire de la Méditerranée au gré des mythologies, des guerres, de la biodiversité marine, pour enfin échouer comme tous les exilés, sur un rivage…

Boire les paroles d’Apollinaire à la source de son Cœur pareil à une flamme renversée.

S’embarquer avec Ceux qui m’aiment… grâce à la voix de Pascal Gregory, écho de ses échanges avec Patrice Chéreau sur le théâtre, les comédiens, la Reine Margot, et assister dans le même élan à la rencontre avec Danièle Thompson et à la projection du film.

Se frotter aux langues « universiTerre » dans un atelier radiophonique déroutant.

S’émouvoir de l’intensité des voix des élèves du cycle d’orientation professionnelle du Conservatoire de Lyon s’emparant du texte d’Eschyle, brûlant d’actualité sur les Danaïdes, menacées de viol, qui cherchent asile.

Se laisser emporter par la correspondance de Paul Gauguin et des Sanglots de l’Aigle pêcheur au son du dub polynésien.

Rencontrer par hasard Flaubert dans la peau d’un ours mal léché, Jacques Weber.

Attendre le cœur battant la rencontre épistolaire d’Albert Camus et de Maria Casarès, dans la peau de Lambert Wilson et d’Isabelle Adjani.

Oui, c’est bien la fête au TNP de Villeurbanne et comme l’écrit Jean-Pierre Siméon, poète et complice de Christian Schiaretti : « Seule obligation : accepter de ne pas savoir où donner de l’oreille et encourir le risque de l’inconnu. »

Entre consultation poétique, récital, cabaret, lecture, carte blanche, spectacle… vous avez l’embarras du choix.

Attention… plus que quelques jours !

Plûme

Jusqu’au 2 juin
Tous les jours à partir de 14h30
TNP Villeurbanne
8, place Lazare-Goujon
69627 Villeurbanne cedex
Renseignements billetterie : 04 78 03 30 00
www.tnp-villeurbanne.com/manifestation/les-langagieres/