“Le Cercle de Whitechapel”, au théâtre du Lucernaire

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© L’instant d’un regard

Hiver 1888, le quartier de Whitechapel à Londres est le théâtre d’une série de meurtres de plus en plus violents. Des enquêteurs très spéciaux vont partager leurs recherches et réflexions et peut-être résoudre l’énigme de Jack the Ripper.

Le romancier Arthur Conan Doyle (Ludovic Laroche),  père de Sherlock Holmes ; le dramaturge George Bernard Shaw (Nicolas Saint-Georges) ; le directeur de théâtre et écrivain Bram Stoker (Jérôme Paquette), créateur de Dracula, Nosferatu le vampire…  tous ont été influencés dans leurs œuvres par ces crimes. Parmi ces enquêteurs et profilers de la première heure, il y a aussi Mary Lawson (Stéphanie Bassibey), l’une des premières femmes médecins anglo-saxonnes, et Sir Herbert Greville (Pierre-Arnaud Juin) qui les a réunis.

Pendant deux heures, ils se passionnent pour ces terribles événements et enquêtent à l’aide de photos, du plan de Londres, de messages laissés par le tueur… pour, peut-être, trouver le coupable ?

Chacun va contribuer à l’avancée de l’enquête : Conan Doyle grâce à ses déductions et son sens de l’observation, Shaw dont la logique et la précision de journaliste font mouche à chaque nouvelle découverte de cadavres, Stocker grâce à sa connaissance des bas-fonds, et Miss Lawson pour sa maîtrise de l’anatomie humaine.

Le scénario surprenant de Julien Lefebvre et la mise en scène dynamique de Jean-Laurent Silvi sont efficaces. Les acteurs sont excellents. On rit beaucoup, on s’interroge, et l’on ne peut qu’être amusé par cette idée de rassembler ces pionniers du profilage.

J’ai cependant été peinée de voir les acteurs revenir sur scène après le spectacle pour démonter le décor. Par souci d’économie, certaines compagnies sont désormais obligées de faire des choix pour pouvoir arriver à l’équilibre, voire même faire des bénéfices. C’est bien dommage.

D’autant que Le Cercle de Whitechapel mérite d’être vu et les comédiens encouragés.

Scribo

De Julien Lefèbvre
Avec
Stéphanie Bassibey
Pierre-Arnaud Juin
Ludovic Laroche
Jérôme Paquatte
Nicolas Saint-Georges
Décors : Margaux Van Den Plas et Corentin Richard
Costumes : Axel Boursier
Lumières : Éric Milleville
Musiques : Hervé Devolder

Jusqu’au 12 janvier 2020
Du mardi au samedi à 21h00
Le dimanche à 18 h 00

Théâtre du Lucernaire
53, rue Notre Dame des Champs
75006 Paris
Tél. : 01 42 74 17 87
http://www.lucernaire.fr/theatre/2006-le-cercle-de-whitechapel.html

“Les Pâtes à l’ail”, à la Scène parisienne

 

© Aurore Vinot

Jusqu’où une amitié de quarante ans peut-elle conduire ?

C’est la question que pose cette jolie pièce que nous proposent Bruno Gaccio, Philippe Giangreco, co-auteurs et comédiens, et Jean-Carol Larrivé, également co-auteur et metteur en scène.

Amis depuis toujours, Italiens d’origine, ils se retrouvent chaque mois autour d’un plat de pâtes à l’ail pour faire le point sur leurs vies, refaire le monde et se souvenir. Seulement, ce soir là leur amitié prend une orientation plus dramatique à cause d’une annonce et d’une demande inattendues.

Cette annonce va ouvrir la parole sur une réalité cachée, des non-dits pas toujours faciles à dire ou à entendre, mais que serait l’amitié si on ne pouvait pas tout se dire et tout surmonter ?

À travers une mise en scène rythmée et bien dosée entre légèreté et gravité, les  deux acteurs semblent revivre sur scène les émotions qu’ils ressentent au quotidien l’un pour l’autre. Il y a beaucoup de proximité et d’amour. Et même si le sujet est grave, la maladie et le droit de choisir quand en finir, les moments de tendresse et de franche rigolade allègent le propos. L’écriture est subtile et permet de tout aborder avec tact et humour.

On rit, on est émus car nous sommes tous concernés par ces sujets. On a aussi envie de partager ce plat de pâtes qui finalement seront trop cuites, et on réfléchit aussi à la vie, notre vie, et à nos amitiés, nos amours.

Le public est touché et enthousiaste. J’en veux pour preuve les applaudissements qui pendant dix minutes ont retenti dans le théâtre.

Allez voir ces formidables comédiens et profiter d’un moment d’intimité où le spectateur est invité à réfléchir, s’interroger, et peut-être faire le point sur sa vie.

Scribo

De et avec Bruno Gaccio et Philippe Giangreco
Co-auteur et metteur en scène : Jean-Carol Larrivé
Décor : Emily Geirnaert

Du jeudi au samedi à 19 h 00
Représentations supplémentaires : les 29, 30 et 31 décembre
La Scène parisienne
34, rue Richer
75009 Paris
Tél. : 01 40 41 00 00
http://tlsp.paris/

“La Machine de Cirque”, à La Scala

Machine de cirque 1

Les artistes de cette compagnie québécoise sont plutôt très créatifs et talentueux. A partir de matériaux de chantier, ils ont planté un décor post-apocalyptique qui sert de support à de nombreuses chorégraphies acrobatiques surprenantes et très réussies.

Roue Cyr, planche coréenne, monocycle, trapèze, jonglerie, drap de bains ;), Yohann Trépanier, Raphaël Dubé, Maxim Laurin, Ugo Dario, Frédéric Lebrasseur et Vincent Dubé, chacun dans sa spécialité, nous offrent un spectacle drôle – gags et crises de fou-rire – et spectaculaire – les quelques ratés nous font prendre conscience que l’art n’est pas aisé et que, à tout instant, l’accident peut survenir.

L’amitié et la grande complicité qui lient ces acrobates sont touchantes et contribuent à enchanter le public, du plus petit au plus grand, qui rit de bon cœur aux blagues et niches qu’ils se font.

Le sketch des serviettes de bains où ils se retrouvent nus sur scène est irrésistible et très périlleux, les artistes se retrouvant dans des positions où l’équilibre et l’adresse sont indispensables. Les serviettes tournent, sont pliées, dépliées et passent de mains en mains sans jamais tomber. C’est très drôle… et très correct, enfants oblige.

La batterie de Frédéric Lebrasseur, son synthétiseur et tous les objets qui composent le décor servent à créer un univers sonore qui tient de la musique industrielle.

Profitez des vacances scolaires pour aller voir ce spectacle en famille.

Scribo

Jusqu’au 3 novembre
La Scala Paris
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
01 40 03 44 30
www.lascala-paris.com

“Les Franglaises”, au Théâtre Bobino Paris

DR

Quand on écoute des chansons anglaises ou américaines, mieux vaut parfois ne pas savoir ce qu’elles signifient ! Cette comédie musicale complètement déjantée, qui a reçu le Molière du meilleur spectacle musical en 2015, nous fait découvrir quelques jolies perles à travers un quiz proposé au public, qui joue le jeu avec beaucoup d’enthousiasme.

L’accueil dans la salle est des plus sympathiques, les artistes passent de rangée en rangée pour dire bonsoir et papoter avec les spectateurs. Les musiciens répètent, les chanteurs font des vocalises, les techniciens font les derniers réglages. Il y a beaucoup d’allers et venues un peu partout dans le théâtre, ce qui donne une impression de « bordel » ambiant pourtant très structuré, comme le spectacle d’ailleurs. La mise en scène repose sur le « tout peut arriver, à n’importe quel moment » et est très bien orchestrée.

Les traductions au mot à mot des chansons de Prince (Pourpre pluie), Reine (Le spectacle doit continuer), Aigles (Hôtel Californie), entre autres, sont complètement loufoques et les chorégraphies drôlissimes, ce qui rajoute au bonheur de toute l’assistance.

La standing ovation à la fin du spectacle est la garantie, s’il en fallait une, d’un moment hors du temps et foutraque dans nos vies souvent très normées. Courez participer à ce blind-test plein de bonne humeur et de rebondissements.

Scribo

Jusqu’au 28 décembre 2019
Bobino
14-20, rue de la Gaîté
75014 Paris
01 43 27 24 24
www.bobino.fr

Écriture collective
Mis en scène et direction artistique : Quentin Bouissou
Direction musicale : Philippe Lenoble & Roxane Terramorsi
www.lesfranglaises.fr

 

“Madame Zola”, Théâtre du Petit Montparnasse

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crédit photos : photos H. Stey

Sacrée femme que cette Alexandrine Zola, personnage pittoresque et haut en couleur, qui par amour s’est affranchie de ses racines misérables pour se hisser socialement au niveau de son illustre mari, Emile Zola.

Cette pièce surprend Madame Zola à son retour du Panthéon où Emile Zola vient d’être enterré, ce qui la contrarie énormément. Notamment à cause du fait qu’elle n’a pas obtenu l’autorisation de faire percer une fenêtre pour éclairer sa tombe…, et qu’elle ne l’aura plus pour elle toute seule.

Souffrante, elle attend son apothicaire, M. Fleury, qui en quatre séances et sous prétexte de lui apporter des potions de son cru pour la soigner, va expérimenter cette nouvelle forme de thérapie que l’on appelle la psychanalyse.

Leurs échanges seront riches en confidences, l’une sur ses relations avec son célèbre époux, l’autre sur ses déboires conjugaux. Nous apprendrons que Zola a eu deux enfants d’une autre femme et qu’Alexandrine, d’abord profondément blessée, les prendra sous son aile et les aimera comme s’ils étaient les siens. Et qu’elle a tenu seule sa maison et géré leurs affaires pendant l’exil forcé d’Emile Zola, partit précipitamment se réfugier à Londres après la publication de son long plaidoyer : « J’accuse », au moment de l’affaire Dreyfus.

J’ai beaucoup apprécié le jeu tout en nuances de Catherine Arditi, à la fois combative et fragile, et celui de Pierre Forest, plein de sollicitude et de douceur. Ce sont de merveilleux comédiens qui nous font vivre de jolis moments de théâtre.

Je ne peux que vous encourager à aller assister à ce face à face où l’on découvre Zola, et surtout sa surprenante femme, grâce à un éclairage plus intime.

Scribo

 

Avec : Catherine ARDITI et Pierre FOREST
De : Annick LE GOFF
Mise en scène : Anouche SETBON

Du mardi au samedi à 21 h – le dimanche à 17 h

Théâtre du Petit Monparnasse
31, rue de La Gaîté
75014 Paris
01 43 22 77 74
theatremontparnasse.com

 

 

 

 

 

“Un cœur simple”, Théâtre de Poche Montparnasse

Crédit photos : Laurencine Lot

Un cœur simple est adapté d’un des Trois contes de Flaubert. Il retrace l’histoire de Félicité, fille de ferme devenue bonne, au début du XIXe siècle. Elle fait partie de ces obscures, de ceux qui n’existent que pour servir et subir, dont la destinée est d’obéir et d’accomplir leurs tâches sans se plaindre.

C’est une belle rencontre entre Isabelle Andréani et Félicité. La grande sensibilité de cette merveilleuse comédienne donne toute son humanité à ce personnage bon et généreux, dont la vie n’est faite que de petits bonheurs trouvés dans un quotidien difficile, où les barrières sociales tracent des frontières invisibles.

Les chagrins causés par la perte de proches auxquels elle tient : son mari, la fille de sa maîtresse ; Victor, son neveu mort loin d’elle, et son perroquet Loulou qui éclairera la fin de sa vie, l’atteignent dans sa chair, mais sa foi en Dieu lui fait accepter avec dignité et courage ces épreuves.

L’adaptation d’Isabelle Andréani et la mise en scène tonique de Xavier Lemaire nous donnent à voir un spectacle plein de vie pourtant. La comédienne en sabots évolue sur des estrades de différents niveaux, figurant les lieux où se situe l’action. Quelques objets, tels qu’une petite robe, un cheval de bois… évoquent les personnages dont elle parle.

De ce seul en scène se dégage une grande douceur aussi. Le jeu d’Isabelle Andréani offre une belle palette d’émotions si désarmantes que les spectateurs les reçoivent en plein cœur.

Allez voir ce spectacle. Vous en sortirez touché et émerveillé par ces deux femmes.

Scribo

Adaptation et jeu : Isabelle Andréani
Mise en scène : André Lemaire

Le théâtre de Poche Montparnasse
Les lundis à 21 h

75, boulevard du Montparnasse, 75006 Paris
01 45 44 50 21
theatredepoche-montparnasse.com

 

“La vie de Galilée”, à La Scala Paris

laviedegalilé2

Philippe Torreton ne pouvait pas passer à côté d’un aussi beau rôle, il incarne un Galilée déterminé et lucide, capable de passer de la légèreté quand il transmet son savoir, à une extrême gravité face à l’obscurantisme. Les mots de Brecht raisonnent de façon étrangement actuelle dans cette belle mise en scène de Claudia Stavisky.

La vérité, mais à quel prix ?
Comment révéler la vérité et résister à la pression et surtout aux menaces qui pèsent sur celui qui contredit l’ordre établi ? Avec beaucoup de courage, de ténacité, d’intelligence, et la conviction que l’on a découvert quelque chose d’essentiel pour l’humanité.

Mais au XVIIe siècle l’Église est puissante et craint une remise en cause profonde de l’équilibre du monde et de l’existence même de Dieu. Galilée en subira les conséquences et devra ruser pour poursuivre ses travaux malgré le manque de liberté et le danger d’être de nouveau emprisonné.

Dans la peau de Galilée
Pratiquement tout le temps sur scène, Philippe Torreton incarne un Galilée dans la force de l’âge jusqu’à un âge avancé, on assiste à une transformation physique subtile de la part du comédien. Il entraîne avec lui tous les acteurs, dont certains jouent plusieurs rôles, que l’on sent investis et emmenés par une histoire et un texte puissants, et un acteur principal charismatique.

Par des jeux de lumière, la scène est tour à tour le bureau de Galilée, la salle de l’arsenal de Venise ou le palais du Vatican dans une valse de meubles qui se déplacent au gré des lieux où se joue l’action. Très beau et impressionnant de créativité.

Les 2h35 de spectacle ne doivent pas vous freiner…, on ne les voit pas passer. Courez observer les étoiles à travers le télescope de Galilée, allez à la découverte de l’univers de Brecht.

Scribo

Théâtre de La Scala Paris
13, boulevard de Strasbourg
Paris, 10e
https://lascala-paris.com/programmation/la-vie-de-galilee/

Du 10 septembre au 9 octobre
Du mardi au samedi à 20 h 30
Le dimanche à 17 h

Distribution
Texte  : Bertolt Brecht
Mise en scène : Claudia Stavisky
Avec : Philippe Torreton, Gabin Bastard, Frédéric Borie, Alexandre Carrière, Maxime Coggio, Guy-Pierre Couleau, Matthias Distefano, Nanou Garcia, Michel Hermon, Benjamin Jungers, Marie Torreton
Assistant à la mise en scène : Alexandre Paradis
Scénographie et costumes : Lili Kendaka
Lumière : Franck Thévenon

“Je ne suis pas Michel Bouquet”, au theâtre de Poche-Montparnasse


Maxime d’Aboville est passionné par Michel Bouquet depuis ses 20 ans. Alors jeune comédien amateur il découvre l’acteur dans le film Comment j’ai tué mon Père.
Seul en scène, le comédien s’approprie les propos de Michel Bouquet recueillis par Charles Berling dans Les Joueurs, entretiens avec Charles Berling (Grasset).

 Avec humilité Maxime d’Aboville se met au service de ce comédien si attachant. De la guerre que l’on devine effroyable dans sa réalité la plus crue – délation, vols, violence, peur… -, à ses rencontres théâtrales, Camus, Anouilh, Vilar, etc., qui décideront de son destin, nous assistons avec émotion à une leçon de vie et de théâtre de la part d’un homme rigoureux et passionné par son métier, qui donne tout aux spectateurs. Chaque représentation étant pour lui l’occasion d’une remise en cause, pour toujours atteindre la perfection, non par orgueil, mais par souci de donner le meilleur à voir et à entendre, d’être au service du texte et du public, jusqu’à disparaître derrière chaque personnage.

J’ai été très touchée par le jeu tout en pudeur de Maxime d’Aboville qui emmène le public dans l’univers de Michel Bouquet, nous faisant découvrir une personnalité attachante et sans concession.

On oublie très vite la différence d’âge entre les deux acteurs, ils ont la même générosité, le même souci d’être au plus juste dans leur jeu.

Ne manquez pas cette pépite de la rentrée.

Scribo

Avec Maxime d’Aboville
Mise en scène Damien Bricoteaux

Du mardi au samedi 19 h
Théâtre de Poche-Montparnasse
75, boulevard du Montparnasse
75006 Paris
01 45 44 50 21

 

“Michel for ever”, Théâtre de Poche- Montparnasse

 

Si vous aimez l’éternelle musique de Michel Legrand, si vous aimez l’ambiance des clubs new-yorkais, si vous aimez le théâtre, l’hommage à ce compositeur de génie, Michel for ever, est fait pour vous.

Dans la petite salle du Poche Montparnasse, le public est accueilli par deux musiciens, un pianiste et un contrebassiste qui vont durant l’installation des spectateurs évoquer une ambiance de club de jazz. 

Celle-ci étant installée, surgissent quatre comédiens, deux filles et deux garçons qui, sous un prétexte joyeux de découvrir le talent éclectique de Michel Legrand, vont parcourir les grands standards de son œuvre. 

Ces quatre-là savent tout faire et nous emmènent dans un tourbillon où chacun dans la salle retrouve émotions et souvenirs. Ils savent tout faire, ils dansent, ils chantent et même font des claquettes.

On sort de ce spectacle avec un grand sourire et le plein d’énergie.

Non, Michel Legrand n’est pas mort ! Il ne mourra jamais. Il est devenu Michel Legrand for ever.

Petit désagrément toutefois, je n’ai pas bien compris pourquoi un des couples de comédiens attendait le public à la sortie de la salle pour distribuer des tracts promotionnels. Cette action désenchante cruellement le délicieux moment passé en compagnie de ses artistes magiques et talentueux.

Scribo

Du mardi au samedi 21 h 15, dimanche 17 h 30

Théâtre de Poche-Montparnasse
75, boulevard du Montparnasse
75006 Paris
01 45 à 44 50 21
theatredepoche-montparnasse.com

 Conçu et mis en scène par Stéphan Druet et Daphné Tesson
Musiques de Michel Legrand
Avec : Gaétan Borg ou Vincent Escure, Sébastiàn Galeota ou Julien Alluguette, Emmanuelle Goizé ou Vanessa Cailhol, Mathilde Hennekinne ou Léovanie Raud, Benoît de Mesmay ou Joël Bouquet, Jean-Luc Arramy ou Jean-Pierre Rebillard.

“Tempête en juin”, “Suite française”, au Théâtre La Bruyère

Nous pouvons remercier Virginie Lemoine et Stéphane Laporte
de nous permettre de découvrir ou redécouvrir ces deux romans d’Irène Némirovsky, arrêtée en juillet 1942 en tant que Juive et déportée à Auschwitz où elle mourra à 39 ans, laissant son projet de saga inachevée.

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Tempête en juin

Ce seul en scène nous plonge dans la réalité de Parisiens contraints de fuir la capitale bientôt envahie par les Allemands, en ce début juin 1940.

À travers une galerie de personnages hétéroclites, tantôt attachants, minables ou héroïques, le récit nous entraîne dans la course folle de ces gens qui cherchent par tous les moyens à sauver leur peau et leurs biens. Ici, il n’y a plus de place pour les bons sentiments, la compassion ou le partage.

Parmi ces malheureux contraints à l’Exode, il y a les Péricand, une famille bourgeoise catholique parisienne ; l’abbé Philippe, le banquier Corbin, les Michaud, ses employés ; l’inquiétant Corte et sa maîtresse… Ils sont nombreux à abandonner une vie professionnelle ou familiale routinière dans Paris en paix.

Un grand bravo à Franck Desmedt qui nous enchante par l’étendue de son talent. Avec humour, gravité ou férocité, il rentre littéralement dans la peau de chacun de ces héros ou salauds ordinaires.

Scribo

Représentations
du 17/09/2019 au 04/01/2020

 

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crédits photos :   Ginna Nonne / Karine LETELLIER

 

Suite française

Le roman de Irène Némirovsky, Suite française, situe l’action en 1941 dans une maison bourgeoise de Bourgogne où vivent Mme Angelier, dont le fils soldat a été fait prisonnier ; sa bru, Lucile, et leur bonne, Marthe.

Contrainte d’accueillir sous son toit un officier allemand de la Wechmacht, Bruno von Falk, Mme Angelier va faire de la résistance passive face à cet individu qui représente tout ce qu’elle déteste.

Il en ira tout autrement pour Lucile, que le mariage malheureux avec un homme qui la trompe et ne l’aime pas et une belle-mère dure et acariâtre ont rendue résignée et triste.

La littérature et la musique la rapprocheront de ce bel officier, sensible aux charmes de cette jolie femme douce et réservée.
Mais la guerre nous rappelle que chacun doit choisir son camp et certains événements tragiques les obligeront à faire face à la réalité et à s’affirmer.

Tous les comédiens sont incroyables de vérité. Florence Pernel, en femme soumise mais dont la révolte gronde, Béatrice Agenin, en mère folle d’inquiétude et de rage dont les failles vont se révéler, Emmanuelle Bougerol qui apporte un petit grain de folie et un peu d’humour à son personnage de bonne, Guilaine Londez en femme du maire dont les propos laissent deviner une femme avide et égoïste.

Les personnages masculins se devaient d’être interprétés par des hommes à la présence marquée. Samuel Glaumé, en officier allemand sensible mais condamné à obéir aux ordres, et Cédric Revollon, entre résignation et violence face à l’oppression, sont parfaits.

Encore une fois, l’adaptation de Stéphane Laporte et Virginie Lemoine, et la mise en scène de cette dernière, nous plongent dans une époque qui a bouleversé l’ordre établi. Comment composer avec des forces qui nous dépassent ? Ne pas oublier notre état d’humanité malgré la violence de la réalité ?

Allez voir ces deux très belles pièces, l’une à la suite de l’autre c’est encore mieux. Plongez-vous dans l’univers de cette auteure de talent, qui a voulu témoigner de son temps pour les générations futures.

Scribo

Représentations
du 17/09/2019 au 30/11/2019

Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris
www.theatrelabruyere.com

 

 

“J’ai envie de toi”, au Théâtre Fontaine

J'aienvie de toi

 

Ce spectacle a suscité l’enthousiasme de Scribo et moi.
Une fois n’est pas coutume. Et cela peut nous donner aussi des idées pour de futures chroniques, nous avons choisi de vous livrer notre avis en regards croisés.

 

Le regard de Scribo

Il faut une sacrée dose d’humour à Sébastien Castro, et l’envie de bousculer les codes de la comédie, pour avoir écrit cette pièce de boulevard très moderne dont les dialogues et les situations hilarantes, d’une efficacité redoutable, font mouche à chaque réplique.

Posons le décor

Ne vous trompez pas de destinataires en envoyant un texto, le résultat pourrait être catastrophique.
C’est pourtant ce qui arrive à Guillaume (Guillaume Clérice) qui envoie un message coquin à son ex un peu collante (Anne-Sophie Germanaz), au lieu de l’envoyer à sa nouvelle conquête (Astrid Roos) fraîchement rencontrée sur le Net, qu’il ne connaît pas encore.
Affublé d’un voisin barré, Youssouf, joué par Sébastien Castro himself, qui détruit une cloison reliant leurs deux appartements pour récupérer un placard, ce bourreau des cœurs va tout faire pour se sortir du pétrin dans lequel il s’est mis, quitte à y associer cette nounou de personnes âgées un peu encombrant, gaffeur et maladroit.
Si vous rajoutez à ce tableau une vieille dame en fauteuil roulant et sa fille (Maud Le Guénégal) qui fait garder sa vieille maman par Youssouf, ainsi que le petit ami jaloux (Alexandre Jérôme) de l’ex de Guillaume – dont les tics de langage n’ont rien à envier au comique de répétition -, vous passerez une soirée entre quiproquos et catastrophes évitées de justesses, tout ceci dans une bonne humeur et une énergie communicatives.
Le décor est ingénieux car il permet de voir les deux appartements simultanément, et la mise en scène rythmée de José Paul porte les acteurs et les spectateurs du début à la fin.

Invitez-vous chez ces deux voisins déjantés pour une folle soirée de fous rires et de bonne humeur.

Scribo

 

JEDT-20190830_SPECTACLE-8crédit photo Clément Sautet Puppets

Le regard de Carole

20/20, dès la rentrée, pour « J’ai envie de toi » au Théâtre Fontaine

Un véritable Feydeau à la moderne ! Un texto envoyé par erreur n’aurait pas entraîner dans une situation loufoque deux voisins de palier si l’un d’entre eux n’avait pas abattu lui volontairement la cloison de la porte de placard qui relie leurs deux appartements.

Dans ce joli décor bien construit et signé Jean-Michel Adam vont défiler Maud Le Guenedal, Guillaume Clerice, Anne-Sophie Germanaz, Astrid Roos, Alexandre Jerome, et bien sûr Sébastien Castro, également auteur de la pièce. Pour son premier vaudeville, écrit dans un humour tout en finesse, les autres comédiens seront à son diapason et se glissent avec brio dans la peau de leur personnage : les réparties sont justes, bien orchestrées sous la houlette du metteur en scène José Paul.

Elles se succèdent tambour battant : comiques de situation, quiproquos, tout est là pour générer le rire qui fuse dès la première minute jusqu’à la dernière.

À noter que Sébastien Castro n’en ait pas à son premier coup d’essai (Prix Raimu de la Révélation Théâtrale, nommé au Molière 2019…).

Pour continuer de se régénérer après les vacances…

Carole Rampal

 

Du jeudi 29 août 2019 au dimanche 5 janvier 2020
Du mardi au vendredi 21h, le samedi 16h30 et 21h et le dimanche 16h

Théâtre Fontaine
10, rue Pierre Fontaine
75009 Paris
https://www.theatrefontaine.com/spectacles/jai-envie-de-toi

Une pièce de Sébastien Castro
Mise en scène José Paul assisté de Guillaume Rubeaud
Décors Jean-Michel Adam
Costumes Juliette Chanaud
Lumières Laurent Béal
Sons Virgile Hilaire

“Antigone”, au théâtre des 3 soleils, Festival Off d’Avignon

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©DR

Romain Sardou nous propose le portrait revisité de cette jeune femme tourmentée et d’un grand courage face à la tragédie de sa vie.
Son écriture plutôt culottée nous séduit par sa liberté de ton et sa pertinence en nous rappelant, si besoin était, que le combat des femmes pour s’affranchir des diktats masculins a été et est encore.

Sans aucun décor, sans aucun accessoire, avec simplement quelques costumes, la mise en scène met en exergue le texte précis de Romain Sardou et permet aux comédiens d’exprimer avec talent la pure complexité des sentiments humains. Ce dépouillement total ajoute à la réussite de l’ensemble.

Personnage antique et moderne

Antigone fait face avec courage à Créon, son oncle calculateur et violent qui la harcèle et la maltraite, décidant de son destin pour assouvir son désir de pouvoir.
Vibrante, fragile et souvent au bord de l’implosion Katia Miran, incroyable Antigone, émeut jusqu’au malaise, car elle donne tout au public et joue cette héroïne tourmentée qui fait face à sa réalité, face à cet oncle, calculateur et inflexible, qui veut la voir capituler.
Comme prise dans une souricière, Antigone sait pourtant vers quel destin elle va…, n’est-elle pas le fruit d’un amour interdit, ce même amour interdit qu’elle ressent pour son frère ? Rien ne la fera céder.

Une distribution intelligente et talentueuse

Henri Courseaux/Tirésias (à voir aussi dans sa jolie pièce Tendresse à quai à l’Espace Roseau Teinturiers, jusqu’au 28 juillet à Avignon), dont le jeu est aussi léger et plein d’humour que l’atmosphère est pesante ; Bernard Malaka en Créon tour à tour manipulateur et calculateur, sensible à l’effroyable destin de sa nièce, mais déterminé à la faire plier. Tous les acteurs sont magnifiques et à leur juste place.

Dépêchez-vous ! Allez voir ce spectacle d’une grande qualité – peut-être l’un des meilleurs de cette cuvée 2019.

Scribo

Écrit et mis en scène par Romain Sardou
Avec Katia Miran, Bernard Malaka, Henri Courseaux, Magaly Godenaire, Guillaume Jacquemont, René-Alban Fleury, Agnès Ramy, Taos Sonzogni (en alternance)
Collaboration artistique : Xavier Simonin
Création Lumières : Philippe Lacombe
Scénographie : Matthieu Lebreton
Création Costumes : Claire Schwartz
Régie générale : Thomas Chelot

Du 15 au 28 juillet à 10 h 10
Théâtre des 3 soleils
4, rue Buffon
Avignon
Réservations : 04 90 88 27 33
https://www.avignonleoff.com/programme/2019/antigone-s25470/

“Le Faiseur de théâtre” au Théâtre Déjazet

Comment Bruscon, homme de théâtre, misanthrope et monomaniaque, vit-il son art ? Comme son créateur Thomas Bernhard, de façon douloureuse, passionnée, un brin schizophrène et avec une rage pas toujours contenue.

L’histoire du Faiseur de théâtre trouve sa genèse dans une mésaventure vécue par Thomas Bernhard, qui se vit refuser le noir total par la sécurité de Salzbourg à la fin d’une de ses pièces. Qu’il ne joua finalement pas !
Personnage plein de lui-même et détestable Bruscon, comédien d’État se considère comme un dramaturge de grand talent et a la même obsession que Bernhard, le noir total à la fin de sa pièce La roue de l’Histoire, son chef-d’œuvre, où se côtoient Napoléon, Marie Curie, Churchill, César, Hitler…

Malheureusement, son arrogance et ses ambitions sont mises à mal par une réalité qui ne lui rend pas vraiment justice. Sa troupe d’abord, constituée de sa femme et de ses deux enfants, le déçoit en permanence : « Fille bête », « Fils débile ». « Mon fils, cet antitalent », « Mère bête et malade […] qui toussote son texte »… On constate sa « haute opinion » des femmes quand il dit : « Les interprètes féminins sont mortels pour le théâtre », « Faire du théâtre avec des femmes est une catastrophe », « Les femmes n’ont aucune notion de l’art ». Ses relations familiales sont atroces tant il terrorise ses proches.
Le lieu ensuite, une auberge vétuste située dans une bourgade d’à peine 300 habitants, dont le nom lui échappe constamment, tenue par des propriétaires pas très au fait des contraintes du théâtre. « Cet endroit est un châtiment de Dieu », dit le héros désenchanté, qui insiste en traitant son pays de poche purulente de l’Europe. Nous voici au fait de la haine que voue Thomas Bernhard à l’Autriche et aux Autrichiens.
Bruscon vitupère, donne des ordres, critique tout et tout le monde, la scène où il va jouer aussi, qu’il trouve étroite, poussiéreuse, mal décorée, bruyante, humide… Bref, rien ne convient à ce mégalomane que tout dérange et qui le fait savoir haut et fort.
André Marcon, dans le rôle de Bruscon, est impressionnant de froideur et de cruauté, il sert le texte avec sobriété. Les comédiens qui lui donnent la réplique sont parfaits face à ce personnage écrasant et distant, qui les maltraite.

Cette pièce est d’une grande densité et les choix de Christophe Perton pour la mise en scène, surprenants et pourtant évidents, sont dignes d’elle … Ne la ratez pas !

Scribo

De Thomas Bernhard
Mise en scène de Christophe Perton
Avec :
André Marcon
Agathe L’huillier
Eric Caruso
Jules Pélissier
Barbara Creutz

Du lundi 14 janvier au
samedi 09 mars 2019
Lundi au samedi à 20h30

Théâtre Déjazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
http://www.dejazet.com/spectacles/faiseur-de-theatre/

 

“Comme en 14”, au Théâtre La Bruyère

L’hiver 1917 est rude pour les soldats qui se battent sur le front ; le froid, la faim, la peur, l’horreur font leur quotidien.

Un devoir de mémoire

En réfléchissant à ma chronique, je me suis dit qu’il était curieux de constater que lorsque je pense à la guerre, je pense d’abord aux combattants. C’est oublier toutes ces femmes (mères, épouses, filles…) qui les ont remplacés du jour au lendemain dans leurs activités quotidiennes, prenant à bras-le-corps des tâches et des responsabilités auxquelles elles n’étaient pas du tout préparées.
Ces femmes de la Grande Guerre notamment, courageuses et déterminées, qui ont fait face à l’absence et à un quotidien dur et angoissant pour continuer à vivre ou plutôt à survivre pour leurs proches, en attendant le retour hypothétique de leurs hommes.

Grâce à Dany Laurent, auteure de cette pièce, Comme en 14 nous fait partager le quotidien d’un hôpital improvisé proche du front, en cette veille de Noël 1917, où infirmières et bénévoles soignent et réconfortent des soldats blessés au front. Malgré les difficultés, le manque de tout et la peur, chacun essaye de conserver bonne humeur et espoir.
D’abord, il y a Mademoiselle Marguerite, jouée par une Marie Vincent (Molière de la révélation féminine pour ce rôle en 2004) touchante en femme au grand cœur, dévouée et pleine de bon sens, dont les côtés bourrus laissent deviner une grande sensibilité. Et Suzy, pacifiste assumée qui risque sa vie et celle des autres ; Ariane Brousse, à la jolie voix pleine de gouaille, possède une belle énergie communicative. Puis la douce Louise qui attend le retour de son fiancé, merveilleuse Katia Mirran, dont le jeu plein de délicatesse nous laisse deviner que derrière ce joli visage de porcelaine se cache un lourd secret. Et enfin Adrienne, aristocrate ancrée dans ses convictions, qui a perdu son mari à la guerre et dont le fils aîné, Henri, doit être amputé. Virginie Lemoine compose avec talent et élégance une veuve perdue et inquiète, qui va ouvrir les yeux et peu à peu accéder à son humanité. Je n’oublie pas Pierre, le fils cadet d’Adrienne, simple d’esprit curieux et dissipé, joué par Axel Huet tout en sobriété, face à ces quatre figures de femmes qui représentent la quintessence de l’âme féminine.

La mise en scène intelligente de Yves Pignot est servie par les décors plus vrais que nature de Jacques Voizot, qui ramènent les spectateurs à une période qu’il ne faut pas oublier.
Comme moi, replongez-vous dans une réalité inouïe, qui ne peut que nous encourager à cultiver l’entraide et l’intérêt pour l’autre, afin de ne pas oublier les souffrances qu’engendrent les guerres.

Scribo

Pièce de Dany Laurent 
Mise en scène de Yves Pignot
Avec :
Marie Vincent, Mademoiselle Marguerite
Virginie Lemoine, Adrienne
Arianne Brousse, Suzy
Katia Miran, Louise
Alex Huet, Pierre

Du 29 janvier au 27 avril 2019
du mardi au samedi à 21h – Matinée samedi à 15h30

Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris
Tél. :  01 48 74 76 99
http:// www.theatrelabruyere.com