“Tchékhov à la folie”, au Théâtre de Poche-Montparnasse

TCHEKHOV A LA FOLIE (Jean-Louis Benoit 2019)crédit photo : Victor Tonelli

La Demande en mariage et L’Ours : deux farces distinctes en un acte, souvent représentées au cours d’un même spectacle, et pour cause.
Ces deux “plaisanteries” comme les nommait Anton Tchékhov brossent le tableau d’une Russie rurale du XIXe siècle et dessinent les mêmes contours du mariage et des raisons qui l’y conduisent entre intérêts terriens et… et quand l’amour s’en mêle…
Rien ne va plus, d’autant que les protagonistes dotés d’un tempérament agreste bondissent respectivement sur leurs voisins à la moindre occasion, à propos du moindre sou ou de parcelle des “Petits prés aux bœufs”. C’est ce qui arrive entre Lomov, Natalia Stepanovna et son père (La Demande en mariage). Une journée qui s’annonçait pourtant sous de joyeux auspices : Lomov venait demander à Stepan la main de sa fille qui en est enchanté. Oui mais voilà, Natalia et Lomov, désireux pourtant de ce mariage, sont incapables de se contrôler et se querellent sur tout jusqu’au sujet de leurs chiens.

Quant à Grigori Stépanovitch Smirnov, il ne vient pas rendre une visite de courtoisie à la veuve Elena Ivanovna Popova (L’Ours). Désespéré par des dettes qu’il doit honorer demain, il lui réclame son dû. Femme honnête, elle consent à régler les factures de son feu mari mais après-demain quand son intendant sera de retour. Ce n’est pas dans deux jours mais aujourd’hui que Grigori en a besoin : il est sur la paille. Il décide de prendre place sur le divan et, comme s’il était chez lui, interpelle le laquais pour obtenir un verre d’eau.

Vieil “ours”, misogyne, sa patience est à rude épreuve devant le refus encore plus persistant d’Elena qui n’a qu’une hâte, revenir dans sa chambre et s’y enfermer pour vivre en ermite son veuvage. Car elle reste fidèle à cet homme infidèle même à travers la mort. Que Grigori le sache, lui, amer de l’amour qui a choisi de mettre toutes les femmes dans le même panier. Et c’est qu’elle a du caractère et ne s’en laisse pas conter. Elle ne se dérobera pas et ira relever le duel d’armes – si peu féminin soit-il – que cet hobereau lui impose. Face à sa trempe, Grigori tombe sous le charme et à ses pieds la demande en mariage.

La mise en scène, signée Jean-Louis Benoit, est explosive tout comme les personnages de ces deux farces. Émeline Bayart, Jean-Paul Farré, et Manuel Le Lièvre campent leur personnage avec pétulance. L’énergie circule sur scène, et dans le tumulte des colères, la table se retourne, les chaises se renversent, les fenêtres s’ouvrent, se ferment, les murs se déplacent dans un décor amovible. Sur fond sonore de bruits d’animaux de la ferme, objets, papiers peints et costumes nous transportent à la campagne.

Les répliques s’enchaînent bien sûr mais le jeu des acteurs, bien rompus à l’exercice, excelle par les mimiques d’Émeline Bayart qui n’a pas son pareil, les tics de Manuel Le Lièvre et les expressions de Jean-Paul Farré. Le grotesque des situations prend : le rire gagne la salle.

Le spectacle se termine. Trop tôt, on aurait voulu rester plus longtemps avec eux.

Carole Rampal

Tchékhov DMPVD

Représentations du mardi au samedi à 21h, dimanche à 17 h 30
Théâtre de Poche-Montparnasse : réservations par téléphone au 01 45 44 50 21, au guichet du théâtre, ou via le site www.theatredepoche-montparnasse.com

Textes : Anton Tchékhov
Traduction : André Markowicz et Françoise Moravan
Metteur en scène : Jean-Louis Benoit
Avec
Émeline Bayart : Natalia (La Demande en mariage), Éléna (L’Ours)
Jean-Paul Farré : le beau-père (La Demande en mariage), Grigori (L’Ours)
En alternance : Manuel Le Lièvre et Mathieu Boulet :
Lomov (La Demande en mariage), Louka (L’Ours)
Décor : Jean Haas
Costumes : Frédéric Olivier
Assistant à la mise en scène : Antony Cochin

 

 

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