“Premier amour”, au théâtre de l’Atelier

SAMI FREY - credit Hélène Bamberger - Opale. PHOTO_HD_300DPI©Hélène Bamberger-Opale

En dépit de son titre, c’est une histoire de solitude que nous raconte Samuel Beckett, dans cette nouvelle écrite en 1945 (et en français, s’il vous plaît). L’histoire d’un homme asocial qui se retrouve à la rue à la mort de son père. Un homme qui fuit la compagnie des vivants et préfère celle de ceux qui dorment au cimetière. Ou encore celle de ses douleurs physiques, qui le distraient de sa vie. Lors de son errance sur les bancs publics, il rencontre une autre solitude (sous forme d’une femme, celle-là). « Une femme extrêmement tenace », comme il le souligne avec ironie.

Avec des mots simples mais percutants, ancrés dans le quotidien – ce qui fait ressortir leur humour ravageur –, cet homme  va nous raconter son existence. Une existence absurde, qu’il n’a pas choisie. Pas plus qu’il n’a choisi cette Lulu (qu’il appelle Anne), qu’il suivra chez elle et avec qui il vivra, comme malgré lui. « Le tort qu’on a, c’est d’adresser la parole aux gens. » Il la quittera lorsqu’il apprendra qu’elle est enceinte de lui.

Face à nous, dans un décor dépouillé – qui signifie un présent hors du temps –, Sami Frey impose sa présence sensible et son allure d’éternel jeune homme. Un mince sourire flotte sur son visage, comme s’il était perdu dans son monde intérieur. Son jeu distancié accentue encore l’absurdité de son récit et l’impression d’irréalité de son personnage. De temps à autre, une sonnerie intempestive semble le rappeler à l’ordre… mais lequel ? celui du temps qui passe ?

Grâce au phrasé si particulier de ce grand comédien, nous sommes transportés par la musicalité du texte, parfois cru, souvent drôle, qu’il nous délivre. Touchés au cœur par l’humanité profonde de son personnage et sa difficulté à « dire » son mal de vivre.

Jusqu’à la fin, il réussit à nous tenir en haleine face au grand mystère de la vie… et de l’amour. Un moment d’émotion intense.

Véronique Tran Vinh

Monologue de Samuel Beckett
Mise en scène et interprétation de Sami Frey
Lumières Franck Thévenon
Production Théâtre de l’Atelier – Paris

Jusqu’au 3 mars 2019
Du mardi au samedi à 19 h
dimanche à 11 h
Théâtre de l’Atelier
1, place Charles Dullin
75018 Paris
www.theatre-atelier.com/

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