“Le Misanthrope”, à la Grande Écurie de Versailles

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©Emmanuel Orain

Écrite en 1666 par Molière, cette pièce est marquée par l’amertume liée à la situation personnelle de l’auteur (querelle du Tartuffe et déboires amoureux). La tragédienne et metteuse en scène Anne Delbée nous en livre sa vision toute personnelle.

Dans le cadre magnifique de la Grande Écurie, nous avons assisté ce soir-là à une relecture décalée du Misanthrope, placée sous signe de la dolce vita. D’emblée, le ton est donné. Il sera résolument baroque. Anne Delbée transpose le Misanthrope à notre époque, dont le goût pour le paraître et la liberté de mœurs sont soulignés. Elle donne à voir une comédie dominée par l’ambivalence des sentiments humains : Alceste hait l’hypocrisie, mais il aime la belle Célimène dont la liberté de comportement et l’attrait pour la médisance sont contraires à ses valeurs.

La mise en scène est volontairement outrée, évoquant par moments un univers fellinien avec des personnages au comportement extravagant, voire grotesque, illustré par Oronte (excellent Yannis Ezziadi, tout en gloussements et gestes affectés), et les “petits marquis”. Célimène et sa cour d’admirateurs sont montrés comme une bande de jouisseurs, dépourvus de valeurs, qui se livrent à une fête perpétuelle. Ils dansent, boivent, se rient de tout et de tous, comme dans l’acte 2 (très drôle) où Célimène, au cours d’une sarabande échevelée, raille à tour de rôle certains de ses soupirants absents.

Trop d’artifices
Face à eux, Alceste incarne le moraliste drapé dans sa dignité. On ne peut s’empêcher d’y voir l’alter ego de l’auteur lui-même, raillé et attaqué après avoir été porté aux nues, malheureux en amour. Cela n’empêche pas Molière de montrer le revers de son caractère : son manque d’indulgence envers les autres qui vire au rigorisme. Entre les deux, Philinte, qui prône le compromis entre l’hypocrisie et la vertu.

Malheureusement, la mise en scène, surchargée, finit par desservir le sujet. Anachronismes, comédiens habillés en femmes ou qui se trémoussent au son de musiques contemporaines… pour montrer la vacuité du monde moderne ? Tous ces artifices finissent par lasser d’autant qu’ils n’apportent rien au propos – pourtant incisif – de Molière.

Vous l’aurez compris, je n’ai pas été convaincue par cette proposition du Misanthrope, malgré une distribution talentueuse – citons entre autres Valentin Fruitier, parfait en « atrabilaire amoureux », Emmanuel Barrouyer, Philinte à la causticité bienvenue, et Émilie Delbée, très convaincante en Célimène d’aujourd’hui  – et une tentative audacieuse de rendre cette comédie de caractères plus actuelle.

Que cela ne vous empêche pas de courir découvrir les autres représentations théâtrales données dans les plus beaux endroits de Versailles !

Véronique Tran Vinh

Mise en scène Anne Delbée
Avec la compagnie Anastasis
Valentin Fruitier (Alceste), Emmanuel Barrouyer (Philinte), Yannis Ezziadi (Oronte), Émilie Delbée (Célimène), Esther Moreau (Éliante), Anne Delbée (Arsinoé), Luc Rodier (Acaste), Étienne Bianco (Clitandre), Arthur Compardon, Stanislas Perrin.

Prochaines représentations :
Le 13 juin à 20 h 30 : par la compagnie Viva
Le 29 juin à 20 h 45 : par la compagnie Anastasis

D’autres spectacles sont programmés tout au long du mois de juin, partout dans Versailles, gratuits pour la plupart.
Renseignements : 01 30 21 51 39
http://www.moismoliere.com/
https://www.youtube.com/watch?v=G8AMkpNx5tQ

 

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