Chansons sans gêne, au théâtre de la Vieille Grille

@ Arnold Jerocki

Elle inspira Toulouse-Lautrec, qui croqua son portrait, lui qui fréquentait les cabarets assidûment devant un verre d’absinthe… Freud, lui, ne loupait jamais un de ses spectacles lors de ses venues à Paris pour rencontrer le Dr Charcot… Personnage multiple que celui d’Yvette Guilbert, femme de spectacle et femme engagée, « la diseuse fin de siècle » revient au théâtre.

C’est donc ce personnage haut en couleur que campe Nathalie Joly. Accompagnée de son complice de toujours, Jean-Pierre Gesbert, elle utilise à nouveau le parlé-chanté, une invention d’Yvette Guilbert, qui a inspiré des chanteuses comme Piaf, Barbara et bien d’autres. Elle, au franc-parler, portait haut le féminisme, l’engagement prolétarien et le verbe anarchiste. La grande dame a trouvé aujourd’hui sa petite sœur, celle qui la fait revivre en interprétant comme elle les chansons tristes, réalistes, coquines ou enjouées de Xanrof, de Gaston Couté ou de Jean Lorrain.

Voici donc Nathalie Joly qui pousse Les Chansons sans gêne, et c’est tout naturellement dans une cave intimiste de la rive gauche qu’a lieu le spectacle. Peu de décor ou d’artifices : un piano, un micro, un zeste de vidéo, quelques ombres chinoises… et la gouaille de la chanteuse résonne aux accents du piano de Jean-Pierre Gesber.

Nathalie Joly interprète Yvette Guilbert alors que cette dernière est une femme mûre et qu’elle a déjà une solide carrière derrière elle. C’est en effet le troisième volet de la trilogie que la chanteuse consacre à sa pygmalion. Pas question de lui raconter de bobards, elle connaît la chanson et égrène un répertoire qui se fait souvent l’écho des maux de la société de ce début de XXe siècle : Elle était toujours enceinte, Pauvre buveuse d’absinthe, Maintenant que t’es vieux , Le Blues de la femme, Pourquoi n’êtes-vous pas venu ? etc. Et comme le raconte Simon Abkarian, le metteur en scène : « Cette femme fut et reste une exploratrice de la scène, donc de la vie. »

Pour que le spectacle soit réussi, il fallait donc une femme de tempérament, fière de chanter ces textes rentre-dedans. Yvette Guilbert interprétée par Nathalie Joly, c’est l’histoire d’une rencontre de deux femmes à près d’un siècle d’écart. Magnifique !

Plûme

Jusqu’au 27 mars 2017
Le samedi à 18 h, le dimanche à 17 h et le lundi à 20 h 30
Théâtre de la Vieille Grille
1, rue du Puits-de-l’Ermite
Paris 5e
01 47 07 22 11
http://www.vieillegrille.fr

Mise en scène : Simon Abkarian
Texte, conception et chant : Nathalie Joly
Piano et interprétation : Jean-Pierre Gesbert
Collaboration artistique : Pierre Ziadé
Conseiller artistique : Jacques Verzier
Lumière : Arnaud Sauer
Costumes : Louise Watts, Claire Risterucci
Vidéo : Simon Abkarian, Arnaud Sauer, Nathalie Joly, Rima Samman
Création sonore : Samir Seghier
Affiche : Jean-Jacques Gernolle

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