“Un mois à la campagne”, au théâtre Dejazet

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Crédits photo Michel Corbou

« Regardez, Natalia Petrovna, comme ce chêne vert sombre est beau sur le bleu foncé du ciel. Il est tout illuminé par les rayons du soleil, et quelles couleurs intenses ! » C’est Rakitine, ami de la famille et soupirant de la belle et fantasque Natalia Pretovna, qui s’exprime ainsi.

Nous voici transportés dans l’atmosphère délicieusement surannée de la Russie provinciale et aristocratique de la fin du XIXe siècle. Pendant deux heures, nous sommes conviés chez les Islaïev, dont l’existence indolente s’écoule entre discussions animées, marivaudage et contemplation. Les membres de la famille et leur entourage vivent au gré de leurs émotions, qui fluctuent tels les nuages dans le ciel.

L’arrivée d’un nouveau précepteur va bouleverser l’harmonie apparente de cette petite communauté. Soudain, un vent de fraîcheur souffle sur la vie monotone de Natalia Petrovna (magnifique Anouk Grinberg, à fleur de peau) et de sa jeune pupille Véra, réveillant leur envie de vivre… et d’aimer. Désirs enfouis, amours contrariées par le fossé des classes sociales : dans ce vaudeville à la russe, les personnages masquent leur insatisfaction sous une légèreté de façade et un humour distancié. La magie du texte opère, et on se laisse entraîner dans cette valse des sentiments, d’autant plus exacerbés qu’ils sont refoulés.

Au tourbillon des passions qui agite les maîtres répond le pragmatisme des gens ordinaires, représentés par le docteur, « ami » de la famille, mais bien conscient de ne pas faire partie de ce monde. Un monde où il vaut mieux être bien né(e), surtout si l’on est une femme. Ainsi, le destin de Véra, pauvre et orpheline, se retrouvera entre les mains de sa bienfaitrice, devenue sa rivale.

Contre toute attente, on rit beaucoup, grâce à un texte enlevé et au comique irrésistible de certains personnages – comme celui de Philippe Fretun, dans le rôle du docteur cynique, ou de Jean-Claude Bolle-Reddat, dans celui du vieux prétendant balourd de Véra.

Finesse des dialogues, fluidité de la mise en scène, qualité et homogénéité de l’interprétation, ce « mois à la campagne » nous apporte une délicieuse bouffée d’air pur.

Véronique Tran Vinh

De Ivan Tourgueniev
Traduction Michel Vinaver
Mise en scène Alain Françon
Avec Nicolas Avinée, Jean-Claude Bolle-Reddat, Laurence Côte, Catherine Ferran, Philippe Fretun, Anouk Grinberg, India Hair, Micha Lescot, Guillaume Lévêque
Et en alternance : Thomas Albessard, Quentin Delbosc-Broué, Anton Froehly

Jusqu’au 28 avril 2018
Du lundi au samedi à 20 h 30
Théâtre Dejazet
41, boulevard du Temple
75003 Paris
http://www.dejazet.com/

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